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décembre 2021 / La vie du 18e

Librairies BD, bulles en stock

par Florianne Finet

A Marx Dormoy, la librairie 100 % d’occasion La Bande des cinés attire des collectionneurs fans des Spirou et Tintin des années 50 ou des superhéros, bien au-delà du 18e.

Une caverne d’Ali Baba remplie jusqu’au plafond de trésors connus des seuls initiés. En l’occurrence de piles et de piles de bandes dessinées de collection. La comparaison pourrait paraître facile, mais c’est bien l’impression qui saisit le visiteur en franchissant le seuil de La Bande des cinés, la librairie spécialisée dans la BD située tout près de la place Hébert. Pas moins de 10 000 (!) titres sont stockés dans les 45 m2 de la boutique.

Les ouvrages de collection sont classés par éditeur. Dargaud, Dupuis, Le Lombard pour les plus anciens, puis Delcourt, Marvel ou encore les Humanoïdes associés. En tête des ventes, les séries de Tintin et Spirou publiées dans des journaux entre les années 1950 et les années 1980. On trouve aussi des planches originales. A l’entrée de la boutique, on tombe ainsi sur une magnifique œuvre de l’auteur américain Milton Caniff, spécialiste du noir et blanc.

« Les bandes dessinées qui deviennent des objets de collection sont souvent des premières éditions. Elles se distinguent par leur qualité d’impression, les couleurs et la reliure. On voit tout de suite la différence avec les productions actuelles », souligne Jérôme Lafargue, fondateur et gérant de la librairie, qui tient le lieu depuis 2008 avec Jérôme Maklès. Et certaines BD, très bien conservées, n’ont jamais été réimprimées depuis les années 1950.

Nostalgie

Outre la beauté de l’objet et son intérêt historique, les collectionneurs, âgés en majorité de 40 à 60 ans, cherchent souvent à retrouver le plaisir ressenti lors de leur première lecture. « Nous sommes des vendeurs de madeleines. C’est pour ça que notre métier n’est pas prêt de disparaître. Les jeunes qui lisent actuellement des mangas sont les collectionneurs de demain. » Et pour déguster cette madeleine, certains sont prêts à débourser plusieurs centaines, voire milliers d’euros. Un exemplaire de 1943 de l’album Tintin, le crabe aux pinces d’or, a ainsi été vendu récemment… 4 000 €.

Etonnamment, la BD échappe largement à la lecture en ligne, à rebours de la mutation numérique subie de plein fouet par la presse et par l’édition. « Un des principes de base de la BD, c’est l’ellipse. Le plaisir passe par le fait de tourner les pages et de manipuler un bel objet. »

Le métier demeure cependant une activité peu rentable et très chronophage. Surtout quand il faut s’occuper de la mise en ligne du stock sur le site de la librairie. La boutique possède en effet son propre site marchand, un outil devenu indispensable pour attirer les collectionneurs de toute la France, voire de l’étranger (Canada, Belgique). La vraie concurrence se trouve chez Ebay – Amazon n’ayant pas (encore) réussi à investir ce marché. Plus de 60 % du chiffre d’affaires provient désormais de la vente en ligne, dont le développement s’est accéléré depuis la crise sanitaire. « Les clients se déplacent moins et veulent acheter à distance. On est parfois assailli de coups de fil avec des gens qui nous demandent de leur décrire tel ou tel album. »

S’il est difficile d’identifier d’où vient le client type, en raison de la dimension nationale du marché, le caractère très masculin du secteur ne fait pas de doutes. « Le collectionneur est à 95 % un homme et les autrices, comme Brétécher, sont encore peu collectionnées. Il faut dire que la BD a été considérée pendant cinquante ans comme un loisir purement masculin », rappelle Jérôme Lafargue. « Mais c’est en train de changer »

Petits prix

Les femmes sont ainsi beaucoup plus nombreuses à pousser la porte du magasin pour acheter une BD d’occasion qu’une BD de collection. La librairie dispose en effet d’une offre conséquente d’albums d’occasion plus récents, qui ne sont pas disponibles sur son site, attirant ainsi les habitants du quartier. Avengers, Riad Sattouf, Enki Bilal ou encore Art Spiegelman… Ces ouvrages sont en général vendus entre 30 % et 50 % du prix neuf. Pas de place pour les mangas, malgré leur succès actuel, les séries étant très longues et les vendeurs encore rares. Rendez-vous dans dix ans !

Photo : Jean-Claude N’Diaye

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