Un air de saxo venu de l’espace, La Marseillaise, jouée par Thomas Pesquet... le son Selmer, testé à bord de l’ISS !
Tout un symbole pour cette grande maison plus que centenaire qui fabrique des instruments à vent haut de gamme, des cuivres surtout et désormais uniquement ses fameux saxos. Mais aussi, depuis octobre, la nouvelle clarinette Muse, retour aux sources puisque le fondateur Henri Selmer était clarinettiste et « bricolait » lui-même ses becs et ses anches et a ouvert son premier atelier en 1885... place Dancourt (aujourd’hui place Charles Dullin). Le début d’une saga familiale sur quatre générations qui pourrait faire l’objet d’un prochain article de notre rubrique Histoire…
L’entreprise fabrique 10 000 saxos par an et un million sont sortis de ses ateliers depuis la reprise en 1928 des ateliers d’Adolphe Sax, inventeur de génie de cet instrument, installé au... 84 rue Myrha. Déjà, une adresse dans le 18e !
Cependant, avant la réinstallation de son siège dans nos quartiers en janvier 2019, une nouvelle ère s’est ouverte en 2018 pour l’entreprise : elle a été rachetée par le fonds d’investissement européen Argos qui avait déjà repris son concurrent, le groupe Buffet-Crampon. Le nouveau propriétaire doit maintenir le rayonnement de Selmer, notamment au plan international où l’entreprise réalise 90 % de son chiffre d’affaires, en innovant toujours.
L’excellence et l’écoute
Le saxo alto Suprême très haut de gamme, créé en hommage à John Coltrane, était à l’étude depuis huit ans. Selmer est allé à la rencontre de musiciens, de réparateurs pour connaître leurs attentes sur le fameux « son Selmer », difficile à définir. Certains parlent de « rondeur et présence » ou de « douceur et énergie ». « Il s’agit de favoriser l’expression du souffle, c’est toujours un compromis entre le rêve et les solutions qui gardent un équilibre global », précise Mathieu Dubois, responsable communication et marketing.
Des chercheurs acousticiens y ont travaillé puis six musiciens aux esthétiques très différentes ont essayé des prototypes, pour aboutir à un modèle validé fin 2018 et mis en vente en février de cette année (entre 7 000 et 8 000 €). Même parcours pour un nouveau bec pour clarinette sorti en juin et testé par Philippe Berrod, soliste et professeur au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP). Fabriqué pour la première fois sur une machine à commande numérique, il est déjà fort apprécié des musiciens. Et grâce à sa nouvelle clarinette Muse, Selmer renoue avec la tradition en revenant sur le marché du haut de gamme, après avoir travaillé et suivi les conseils de ses musiciens « ambassadeurs » qui souhaitaient un instrument moins typé, notamment pour jouer en orchestre.
Nouveau départ
Grâce à sa nouvelle plateforme Rewind, l’entreprise propose de redonner vie aux instruments Selmer que certaines personnes ont « retrouvés par hasard dans un grenier » plaisante Mathieu Dubois. L’entreprise les rachète et les remet en état pour les vendre ensuite à des musiciens qui ne pourraient s’offrir un instrument neuf. Une cellule spéciale a été créée dans ce but dans les ateliers de Mantes-la-Ville (78), d’où sortent tous les instruments depuis 1919.
Mais l’entreprise prend surtout un virage radical en nouant un partenariat stratégique avec des ateliers en Asie, pour proposer des instruments moins chers, comme le saxo Axos (2 500 €). Seuls certains assemblages et pièces y sont fabriqués, la partie essentielle de l’instrument restant réalisée dans son atelier français.
Autre tournant dans la vie de l’entreprise : Jérôme Selmer, arrière-petit-fils du fondateur et qui a pris sa retraite l’été dernier n’est pas remplacé par un membre de la famille mais par Thierry Oriez, habitué des grandes entreprises familiales, qui a dirigé auparavant deux marques de luxe dans les secteurs de la chaussure et des arts de la table. •
Photo : Jean-Claude N’Diaye