Aux abords de la zone touristique internationale du 18e, de nombreux commerces ignorent l’existence de ce périmètre, ne comprennent pas son utilité, ou s’affranchissent des règles d’ouverture dans un contexte où les enjeux économiques prennent le pas sur la loi.
Le long du boulevard de Rochechouart, les rideaux de fer des commerces sont rarement baissés, quel que soit le jour de la semaine. « Voilà quelques mois que nous sommes ouverts le dimanche, depuis l’apparition de la nouvelle zone touristique internationale », rapporte une bijoutière, ignorant apparemment qu’elle est située hors zone et qu’elle exerce son activité dans l’illégalité. Plus loin, un maroquinier ouvre des yeux ronds à l’évocation de la fameuse zone. « On ouvre quand on veut, depuis des années, en fonction de l’activité. Personne ne nous l’interdit. Je ne sais pas si ce périmètre concerne le boulevard », confie-t-il.
Le rôle de la préfecture
Le témoignage d’un vendeur de chaussures voisin est lui aussi riche d’enseignements : « Je ne vois pas ce que change cette zone. Ici, le fonctionnement est toujours le même. S’il y a un pic d’activité, nous sommes quelques-uns en magasin, sinon, il n’y a qu’une seule personne. Un agent en charge des contrôles est déjà venu nous verbaliser, tout en expliquant qu’avec un simple courrier envoyé indiquant notre situation, nous n’aurons pas besoin de payer l’amende. Il y a beaucoup de touristes ici, et donc une certaine tolérance. C’est pour cette raison que toutes les boutiques ou presque sont ouvertes. »
Entre les règles en vigueur et la vie sur le terrain, deux réalités coexistent. Une situation due aux particularités de la capitale. Paris est traité en régime dérogatoire. La municipalité ne dispose d’aucun pouvoir quant aux autorisations d’ouverture et aux contrôles exercés en la matière. Les verbalisations se font à l’initiative de l’inspection du travail et l’ensemble des dossiers est géré par la préfecture de police. « Nous avons bien sûr eu écho de ce genre de problèmes. C’est une situation que nous dénonçons. Ces effets pervers ont déjà été signalés par la mairie, qui souhaite reprendre le contrôle sur ces questions. Les pouvoirs préfectoraux doivent être transférés à la mairie de Paris sur ce plan », réagit Afaf Gabelotaud, adjointe au maire du 18e arrondissement en charge du commerce, de l’artisanat et du développement économique. « Lorsque l’on crée une zone, on assiste forcément à des effets boule de neige. Il faut pouvoir réguler les choses en temps réel. Mais vérifier la légalité de l’ouverture et de l’exercice de tel ou tel commerce n’est pas la priorité dans les préfectures de police, où les agents ont bien d’autres choses à faire », poursuit-elle.
Le désaccord de la mairie
La mairie du 18e arrondissement n’était pas favorable à l’expansion d’une zone touristique, contrairement aux souhaits du gouvernement. Rappelons qu’un périmètre spécial de ce type existait déjà, mais il se limitait au haut Montmartre, c’est-à-dire aux proches environs du Sacré-Cœur. Lors des négociations pour la définition du périmètre, le but initial était de limiter cette possibilité d’ouverture à ce qui serait véritablement lié à une activité touristique, à savoir la vente de produits de souvenirs. Afaf Gabelotaud rappelle que « la délimitation se fait par arrêté préfectoral stricto sensu. Une zone de tolérance sur le pourtour de cette zone n’aurait aucun sens car on peut à ce moment-là aller très loin dans la porosité d’un tel périmètre. »
Photo : © Tessa Chéry
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