En mars 2005, Noël Monier, l’un des fondateurs du journal, entamait une série de six articles d’Histoire sur la loi de séparation des Églises et de l’État, promulguée un siècle auparavant, et sur les répercussions dans le 18e du climat souvent violent qui a entouré le vote de cette loi, comme en témoignent les caricatures de l’époque. Une loi plus que jamais d’actualité après les attentats sanglants contre Charlie Hebdo et l’épicerie Hyper Casher. Dans ce numéro et le suivant, nous publions de larges extraits de cette série d’articles, que nos lecteurs peuvent retrouver in extenso dans les numéros 115 à 120 du 18e du mois.
La loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, qui a fixé les règles de notre laïcité, était la dernière des grandes lois fondatrices de notre démocratie qui ont marqué les trente-cinq premières années de la IIIe République : loi de 1881 sur la liberté d’expression (presse, affichage, manifestations…), les lois sur l’école en 1880-81, la loi de 1884 sur les syndicats, la loi de 1901 sur les associations. […]
La séparation, aujourd’hui tout le monde s’accorde pour reconnaître qu’elle était tout à fait normale pour l’État, et qu’elle fut bénéfique aussi pour les religions, y compris le catholicisme. Mais il aura fallu à [son auteur] Aristide Briand beaucoup de doigté pour la mener à terme sans provoquer de cassures sanglantes. […]
Un « socialiste indépendant »
À l’automne 1901, au 40 de la rue d’Orsel dans le 18e, emménage un homme d’une quarantaine d’années qui ne paie pas de mine : petit, se tenant le buste de travers, les jambes molles, portant parfois de grosses chaussures à clous, avec de longs cheveux mal soignés, une énorme moustache en crosse de pistolet… Il se nomme Aristide Briand. Il deviendra dans quelques années l’un des hommes politiques les plus importants de la IIIe République. […]
Si on veut bien comprendre quel rôle Aristide Briand jouera en 1905 dans le débat sur la séparation des Églises et de l’État, quelle orientation il fera triompher, il est utile de situer le personnage dans les grands débats de la période.
Les socialistes français sont alors divisés en plusieurs partis. Il y a les partisans de Jules Guesde, tenants d’un marxisme assez doctrinaire. Il y a les « blanquistes », héritiers d’une tradition révolutionnaire d’extrême gauche. Il y a le courant qu’on a appelé « possibiliste » parce qu’il se préoccupait de ce qu’il était possible d’obtenir pour les travailleurs davantage que des débats doctrinaux ; Jules Joffrin et Jean-Baptiste Clément ont été de ceux-là. Et il y a ceux qui ne se rattachent à aucun courant, les « socialistes indépendants » ; le plus célèbre est Jean Jaurès. Aristide Briand en fait partie… (Lire la suite dans le numéro de mars 2015)
Illustration : © DR
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