La Ligue des droits de l’homme a mis en place une permanence pour aider ceux qui souhaitent contester une amende ou qui rencontrent des difficultés à la payer.
Salle Saint-Bruno, la Goutte d’Or. La jeune femme venue chercher des conseils juridiques est dépitée. Elle raconte à une avocate de la Ligue des droits de l’homme (LDH) sa mésaventure : une amende de 135 € pour violation de port du masque dans une gare alors que l’équipement était sur son nez. Après l’avoir porté tout au long du voyage, elle l’avait retiré à sa descente du train à Paris puis remis. Sur le quai une policière lui avait alors signalé que son masque n’était pas posé correctement. Elle l’avait alors ajusté en soupirant. « La flic a dit “vous avez soufflé” et m’a verbalisée, rapporte-t-elle. C’est délirant. On n’est pas en démocratie. »
La jeune femme veut contester cette injustice devant un tribunal, raison pour laquelle elle s’est déplacée jusqu’à la permanence mise en place par la LDH 18 et les Brigades de solidarité populaire tous les vendredis après-midi depuis le 29 mai. L’avocate lui conseille de réfléchir car il y a bien eu un moment sans masque, et sous les lois d’urgence sanitaire la parole de l’officier est quasiment impossible à contester, sauf à produire un témoignage contradictoire. « Le gouvernement a décidé le tout-répressif, on est dans un système où l’interdit est proéminent et tout le pouvoir est aux policiers », remarque la professionnelle du droit.
Tribunal ou trésor public ?
La verbalisée, qui ne porte pas la police dans son cœur, ayant été blessée par une grenade lors d’une manifestation, aimerait faire valoir ses droits mais si elle perd son recours, elle risque d’avoir à payer jusqu’à 750 €. Intermittente à faibles revenus, elle peut en revanche solliciter une remise gracieuse, partielle ou totale auprès de la Trésorerie de Paris. Elle dit qu’elle va réfléchir.
« On a lancé la permanence quand on s’est rendu compte qu’il y avait des amendes que les gens ne pouvaient pas payer ou qu’elles étaient litigieuses, » explique Bernard Massera, qui milite de longue à la LDH 18. « Par exemple, une vieille dame qui a du mal à marcher s’assoit sur un banc et se fait verbaliser. »
Les équipes travaillent avec l’aide de modèles élaborés par l’avocate Nathalie Tehio, qui doivent être adaptés au cas par cas. Depuis qu’elle a élaboré le Guide Pratique sur les contestations de contraventions pendant le confinement (mis en ligne par l’Observatoire Parisien des Libertés Publiques), les règles ont été modifiées au moins quatre fois, ce qui rend les situations très complexes à analyser pour les bénévoles.
Le 18e est particulièrement vulnérable. L’arrondissement a enregistré un record de verbalisations durant le confinement, pratiquement un quart des presque 35 000 amendes distribuées dans tout Paris (lire notre n° 283). Plusieurs cas de militants politiques figurent parmi la vingtaine de personnes qui ont contacté la permanence depuis son instauration. Certains, actifs dans le 18e et ailleurs dans Paris, n’ont même pas été physiquement contrôlés, selon Nathalie D., une des bénévoles. « Ils reçoivent des contraventions par la poste pour “déplacements non autorisés” alors qu’il n’y a pas eu de contrôle. Ce sont souvent des “gens connus de la police”. »
SDF et délits de faciès
Plusieurs personnes sans domicile ont également été verbalisées pour déplacements non autorisés, alors qu’elles n’ont pas de logement, et on évoque des cas suspects de délit de faciès. Peut-être comme cet homme d’origine étrangère venu consulter suite à une amende de 110 € infligée par des agents de la SNCF pour « non respect des conditions d’entrée en gare ». Il affirme pourtant qu’il portait un masque, était muni de son billet et de papiers en règle. Mais les agents auraient pointé le fait qu’il portait deux sacs pour amener à manger à quelqu’un... Dans son cas la bénévole l’aide à contacter le médiateur SNCF.
Pour l’heure, la création de la permanence est encore trop récente pour dresser un bilan des recours enclenchés, même si plusieurs personnes contestataires ont préféré opter pour une demande de remise gracieuse. Les permanences Salle Saint-Bruno risquent cependant de s’arrêter faute de juristes bénévoles (avis aux volontaires ?). Le service sera alors joignable par courriel ou téléphone.