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juillet-août 2021 / La vie du 18e

Bichat et Beaujon : regroupement sur ordonnance

par Dominique Gaucher

On en parle depuis plus de cinq ans. Les hôpitaux Bichat (18e) et Beaujon (Clichy-la-Garenne) doivent fusionner pour s’installer à Saint-Ouen. Annoncé pour 2028, le projet ne va pas sans poser problèmes.

La crainte d’une diminution de l’accès au soin

La fusion des deux établissements est annoncée avec 412 lits
de moins.
Si quelques élus locaux veulent croire à l’effet d’entrainement du projet, d’autres souhaitent son évolution afin d’assurer plus sûrement la prise en compte des besoins sanitaires de la population. Tel est le cas de l’adjointe au maire du 18e chargée de la santé, Ayodele Ikuesan. « Nous ne donnerons notre aval au projet, explique-t-elle, qu’à la condition du maintien à Claude Bernard de certains services essentiels. Il faut absolument y laisser, à minima, un accueil pour les urgences et une maternité. Nous souhaiterions aussi que cet hôpital conserve un service de chirurgie ambulatoire et de santé mentale. » Pour l’heure, il est prévu que soient maintenues sur le site des activités de soins de suite et de réadaptation en hospitalisation de jour, des activités de psychiatrie et d’addictologie, un service de radiologie. 400 lits devraient y être conservés. « Dans notre arrondissement, les besoins en santé sont très importants, poursuit Ayodele Ikuesan. La nouvelle structure ne doit pas être l’occasion d’une suppression de lits. Afin de faire prendre en compte cette situation, nous participons aux discussions avec l’Agence régionale de santé et l’AP-HP. L’ajout de lits supplémentaires pour tenir compte de la Covid montre que les choses ne sont pas encore figées. »

Modernité ou restrictions

De leur côté, nombre des personnels devinent derrière le campus hospitalo-universitaire une excellente opportunité pour l’AP-HP de supprimer lits et emplois. Un comité de défense Bichat-Beaujon, issu de la CGT, tente de mobiliser régulièrement (lire notre numéro 293). Côté médical, des voix se font aussi entendre pour dire la nécessité de ne supprimer ni lits ni personnels. L’AP-HP, elle, fait feu de tout bois pour défendre son image et son projet. Lors d’une réunion du 5 novembre 2020, elle insistait sur les « enseignements » tirés de la crise de la Covid : 96 lits devraient s’ajouter aux 898 prévus jusqu’alors... Encore loin de la capacité actuelle des 1310 de Bichat-Claude Bernard et Beaujon réunis…

L’AP-HP n’a jamais dissimulé que la construction de l’hôpital Nord allierait « modernité et réduction capacitaire ». Elle se déroule dans le contexte du « virage ambulatoire, d’une meilleure organisation ville-hôpital, du regroupement des structures »… Et, pour ses défenseurs, le projet a un autre atout, de taille : il « contribue à l’équilibre du Grand Paris, à l’essor économique et au rayonnement du territoire... et au rayonnement mondial dans ce secteur ». Très bien... mais rayonner, est-ce la mission première de l’hôpital ?

Une grande partie de la déambulation festive (lire p 7) du 5 juin entre Château Rouge et Pajol était consacrée à la mobilisation pour le maintien des hôpitaux Bichat et Beaujon.

Un projet architectural ambitieux

130 000 m2 pour les soins, les activités d’enseignement et de recherche.
L’AP-HP a révélé en mars dernier son choix du projet présenté par Renzo Piano pour la construction du futur « campus hospitalo-universitaire Grand Paris Nord à Saint-Ouen ». Ce choix d’un des architectes les plus illustres du siècle – le bâtisseur du centre Pompidou et, plus récemment, du nouveau palais de justice parisien – vient à point nommé redorer l’image d’un projet très contesté. Pour le « plus important projet de construction de l’AP-HP depuis 20 ans », il sera associé à Brunet Saunier architecte, coutumier de la « réflexion typologique sur l’hôpital ».

« Le jury a particulièrement apprécié la réponse apportée aux besoins des équipes hospitalières, ainsi que la capacité d’évolutivité du bâtiment que permet sa trame très régulière et ses larges plateaux continus » expliquait l’AP-HP dans un communiqué de presse. Une toiture-terrasse, la végétalisation promettant une « forêt urbaine ouverte sur la ville au bénéfice du quartier et des usagers », ont aussi de quoi rendre le projet attractif.

La structure hospitalière de quatre hectares et 130 000 m2 de surface de plancher reprendra les activités médico-chirurgicales des hôpitaux Bichat et Beaujon (Clichy). Le site accueillera aussi sur trois hectares et 88 400 m2 une structure universitaire réunissant les activités d’enseignement et de recherche de l’UFR de médecine de l’université Paris Diderot. Le coût total de l’opération serait de 1,3 milliard d’euros.

Les quatre projets architecturaux qui avaient été proposés à l’AP-HP sont exposés tout l’été dans le hall de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard AP-HP, 46 rue Henri Huchard.

Des difficultés liées au site

Un projet incompatible avec le PLU, un chantier nuisible aux riverains et une parcelle trop exigüe.

Le site choisi pour la construction de ce super campus hospitalier se situe au cœur de Saint-Ouen. La partie universitaire s’installera sur des terrains appartenant actuellement à plusieurs sociétés. Au sud de la voie ferrée, l’hôpital occupera l’emplacement des ateliers de l’usine PSA que les derniers employés ont quitté en mars dernier.

Pour autant, tous les problèmes ne sont pas résolus. Si la vente du foncier doit intervenir en novembre 2021, le projet « suppose une mise en compatibilité du plan local d’urbanisme intercommunal de Plaine Commune, faute notamment de pouvoir respecter les prescriptions en matière de surfaces libres et de végétalisation du fait de l’exiguïté du site », indique l’Autorité environnementale. Dans son avis du 21 avril 2021, elle évoque notamment : « les nuisances pour les riverains pendant la phase de construction d’un chantier s’ajoutant à de nombreux autres dans ce secteur », et "les risques sanitaires liés à la pollution des nappes, à la construction sur des sols pollués et à la qualité de l’air ainsi qu’aux produits résultant de l’activité de l’hôpital.é

Elle recommande d’étudier plus complètement les modalités de dépollution du site, prévue au deuxième semestre 2022 pour l’hôpital, et d’introduire des prescriptions relatives au transport des déblais dans les consultations des entreprises. Elle préconise leur évacuation par voie ferrée ou fluviale. Les travaux de démolition doivent commencer au second semestre 2022 et les constructions en 2024. Le pôle universitaire ouvrirait à la rentrée 2027, l’hôpital à partir de 2028. Soit six années de travaux pour les riverains.

Ni concertation, ni dialogue

L’autorité environnementale constate aussi « l’étroitesse de la parcelle retenue pour le site hospitalier qui interdit d’intégrer l’hôtel hospitalier, essentiel à l’orientation ambulatoire du site, et la maison des patients. Elle interdit également pour la partie hospitalière toute évolution de l’aménagement en dehors du bâti déjà prévu. Le dossier présenté n’évoque ni maison des familles ni logements pour les étudiants. »

Souhaitons qu’un dialogue de qualité puisse exister entre les riverains, leurs représentants et la maitrise d’œuvre et d’ouvrage. Jusqu’alors la « concertation », obligatoire pour une opération de cette ampleur, n’a pas été sans quelques déboires. Les deux « garants » », désignés en mars 2019 par la Commission nationale du débat public, demandaient six mois plus tard à la présidente de la CNDP de mettre fin à leur mission. Ils estimaient « les conditions d’une bonne information du public et du dialogue avec les porteurs du projet non garanties ». Ils déploraient aussi l’absence de prise en compte des positions prises par la population audonienne : 91,6 % des 108 contributions reçues exprimaient une hostilité au projet. Des réserves sans effet : en juin 2019, le projet était déclaré d’intérêt général.

Photo : Thierry Nectoux

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