Brocantes, vide-greniers, marchés de Noël, fête de la coquille ou autres manifestations s’installent régulièrement sur la place des Abbesses. Moments de rencontres entre voisins ou appel au tourisme ? Opérations commerciales ou animation de quartier ? Les avis sont partagés.
A proximité de l’église Saint-Jean de Montmartre et de la station de métro Abbesses, toutes deux classées et normalement imposant certaines règles, la place des Abbesses est occupée par quelque sept ou huit événements commerciaux chaque année. Ils engendrent des nuisances pour les riverains qui, pour beaucoup d’entre eux, vivent dans le quartier depuis longtemps, avant le choc immobilier : bruit jusque tard dans la soirée, odeurs, groupes électrogènes tournant à plein, déchets s’étalant à la ronde… Ces occupations suscitent un certain nombre de questions : pourquoi, pour qui, par qui sont organisés ces événements ? Au profit de qui ? À qui vont les fonds ainsi collectés ?
Des commerçants à l’unisson
Directeur de l’agence Immopolis, Brice Moyse est le quatrième président de l’association des commerçants Lepic-Abbesses (ACLA). Créée à la fin des années 70 par l’ancien charcutier de la rue Lepic, Michel Langlois, qui a fait scission et créé une autre association - laquelle finance notamment son journal, Montmartre à la Une – l’ACLA compte aujourd’hui quelque 180 membres, exclusivement des commerçants du quartier Lepic-Abbesses.
L’une de ses grandes « victoires » récentes a été l’ouverture du dimanche dans tout ce quartier, un combat qui a duré cinq ans et qui a « fait venir le ministre du Tourisme de l’époque ! ». Cette ouverture dominicale a été rendue possible, selon Brice Moyse, par la transformation des Abbesses en « quartier vert », à l’initiative de Sylvain Garel, (ancien élu écologiste du 18e) dans le cadre de l’opération Paris respire. « La végétalisation et l’élargissement des trottoirs ont permis l’installation de terrasses de cafés et restaurants, se félicite le président de l’ACLA, qui nous a reçues dans ses bureaux d’Immopolis. Ça a aussitôt amené de nouvelles enseignes, qui ont attiré un grand nombre de touristes ». À l’inverse, les prix du foncier ont explosé et les petits commerces de proximité ont progressivement disparu, même si selon Brice Moyse, « le petit commerce s’étiolait, et que Montmartre : c’est la vie, la fête, les lumières ! ».
Il affirme avoir été également le premier à suggérer à Anne Hidalgo la possibilité de créer des terrasses éphémères sur les places de stationnement au sortir du Covid tout en reconnaissant certains abus malgré les règlements et les contraventions. Si c’est le cas, cela ne semble pas gêner les intéressés.
Quid des habitants ?
L’ACLA organise trois manifestations par an sur la place des Abbesses : le marché de Noël et deux brocantes. Les fonds récoltés servent à financer les illuminations de Noël, dont le coût, nous dit Brice Moyse, se monte à 50 000 €. La Mairie aide via une subvention de 10 000 €. Les deux autres brocantes et la fête de la coquille Saint-Jacques sont organisées par Michel Langlois, et celle de l’aligot par le Cercle aveyronnais de Montmartre.
Concernant le projet de classement de Montmartre au patrimoine mondial de l’Unesco, Brice Moyse y est favorable, lui-même faisant partie de l’une des commissions préparatoires. En revanche, il se dit préoccupé par le projet de piétonisation de la Butte (voir notre article page 13) : « Ce n’est pas une piétonisation, c’est une interdiction de circulation. Je ne comprends pas cette obsession du transit sur les hauteurs de la Butte, il n’y a aucun problème de circulation automobile à Montmartre ! Cela va être un chaos épouvantable. »
Le vivre-ensemble n’est pas simple sur la Butte Montmartre, entre le souhait des Montmartrois de voir leur quartier rester habitable et ceux qui y voient une source de rentabilité, ce qui n’est pas, à leurs yeux, incompatible avec le bien vivre.
Brice Moyse est, selon ses dires, un amoureux du quartier, mais pour lui, Montmartre, c’est la fête : « C’est de l’animation de quartier, les gens aiment beaucoup ça ! ».
Il n’a pas tort, le surtourisme en constante expansion le prouve. Mais quid des habitants, qui aimeraient pouvoir y vivre leur quotidien, sans être écrasés, au propre et au figuré, par le raz-de-marée des touristes ?