mars 2025 / Dossier : un jeu de cartes pour mieux manger
À la rencontre des initiatives alimentaires locales
Avant de créer leur propre jeu et de pouvoir taper le carton avec, les participants ont visité plusieurs lieux à La Chapelle et au-delà. Le tout, suivant un parcours concocté par les organisateurs : Mathilde Rousselle du Shakirail, Camille Laurent et Frédéric Sultan de Remix the Commons (voir notre numéro 333). De Quartier libre (Goutte d’Or) à la Caverne (porte de La Chapelle) en passant par le Nouveau Ney, le restaurant d’Activ’18 (porte d’Aubervilliers), La Louve, le Jardin des Traverses, le réseau Vrac ou encore l’Amap de la Goutte d’Or, accompagnés d’habitants intéressés, ils ont ainsi exploré l’écosystème de l’alimentation.
Tous ont pu co-élaborer plus d’une centaine de cartes d’un jeu dédié à l’alimentation, lors de plusieurs ateliers animés par Matthieu Rhéaume, directeur québecois d’Art&Fact, « designer impact communautaire » comme il se définit lui-même.
Sur des feuilles de papier distribuées par Matthieu, chacun devait indiquer une personne, une association active dans l’éco-système de l’alimentation, une « activité régénératrice » ou une menace, une difficulté pour le projet, l’illustrer par un dessin représentatif et inscrire quelques mots ou phrases courtes pour le définir. Le tout était ensuite scanné, découpé et collé sur des cartes en carton, celles-là mêmes qui ont été utilisées pour jouer le 1er février.
La partie
Les objectifs du jeu ? « Survivre à des vagues de contre-forces, se défendre contre des accaparements qui rendent la vie difficile et contre des menaces, symbolisés par les cartes à bord noir ou gris », annonce Matthieu en expliquant les règles à la quinzaine de joueurs assis autour de trois tables avant que la partie commence. On démarre avec quatre cartes verso blanc (l’éco-système tel que perçu par les participants des ateliers), on retourne les cartes à bord noir (une de moins que le nombre de joueurs), symbolisant les menaces structurelles comme le manque de terre pour les paysans, l’épuisement des bénévoles ou les potentiels changements politiques pesant sur l’éco-système et celles à bord gris (les urgences, moins graves que les menaces) qu’il faut ensuite combattre en déposant différentes cartes sur la table.
Des cartes blanches, des roses « régénératrices » (comme valorisation du bénévolat, réseauter, créer des banquets) ou des violettes représentant les « projets de la société civile pour combattre les forces oppressives » : gratuité de l’eau, bien commun de l’humanité, sécurité sociale de l’alimentation, groupement d’achats à tarifs différenciés ou encore une chorale résistante.
Enfin, des cartes marron et orange symbolisent les attitudes améliorant l’aptitude de chacun à collaborer, comme la résistance joyeuse, ou au contraire, empêchant d’œuvrer pour le bien commun, comme la prise de pouvoir au sein de certains collectifs. En les positionnant sous les cartes noires et grises et en additionnant les points, on peut contrer les menaces. Mais surtout, on joue collectivement, on gagne ou on perd ensemble. Et le jeu devient « fil conducteur » souligne Cléo Mieulet, une des participantes, mais aussi support de lien et de prise de conscience de la force et de la fragilité de nos « communs ». Fred Ortuño, également participant, renchérit, « c’est ludique et on a co-créé quelque chose qui va servir et durer dans le quartier ».
Une foule de projets
Lors de la dernière réunion du Common lab, que Le 18e du mois a eu le plaisir d’héberger, des propositions et des projets ont émergé. De l’alimentation dans les cantines* à la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation en passant par la création d’un marché de producteurs, (voir page 6), l’organisation de grands banquets communs sur le modèle des Festins de La Chapelle et des interviews de rue sur les habitudes alimentaires des habitants, la création d’un guide et d’une carte des initiatives, les idées ne manquent pas. Nul doute que nous aurons l’occasion d’en parler.
En attendant, si cela vous tente de mieux comprendre le « pouvoir subversif des communs » dixit Frédéric Sultan, pilote du projet Common lab (en référence à l’ouvrage de David Bollier et Silke Helfrich), quatre jeux sont disponibles, à la demande, auprès de Frédéric** qui prévoit également quelques moments pour les présenter aux amateurs.