Cinq jeunes d’Espoir 18 ont été conviés à l’Elysée pour la remise du prix Ilan Halimi 2025. Une reconnaissance pour le travail de cette association d’éducation populaire sur les sujets de laïcité et de lutte contre les discriminations.
« Dressez l’oreille, on parle de vous » : l’écrivain Frantz Fanon conseillait ainsi à tous ses lecteurs la vigilance face à l’antisémitisme, en leur rappelant que cette forme de haine les concerne tous. C’est cette phrase qu’Espoir 18 a choisie comme titre pour son programme d’éducation et d’actions sur ce sujet. Ateliers vidéo, débats, projections de films, visites de lieux de mémoire, l’association multiplie les projets pour amener ses jeunes usagers à s’engager contre les discriminations et les préjugés. Ce travail a été récompensé par le prix Ilan Halimi, créé en 2018 par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT(DILCRAH) dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Le 13 février dernier, Jad, Maher, El Hadji, Alexandre et Iqbal, accompagnés de leur encadrant Azzedine Sadji, ont été conviés à l’Elysée pour recevoir ce prix, qui récompense en réalité le travail d’une cinquantaine de jeunes. Ils se sont également rendus sur les lieux du supplice d’Ilan en 2006 pour une cérémonie d’hommage.
Un travail au long cours
Cela fait maintenant plus de douze ans que l’association travaille sur les sujets de la laïcité, de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Cette tâche indispensable est de plus en plus difficile pour les enseignants du secondaire, comme en témoignent les chiffres des signalements pour atteinte à la laïcité dans l’enceinte de l’école. On pourrait penser qu’elle l’est encore plus lorsqu’on s’adresse à des jeunes souvent déscolarisés et issus de familles en difficulté, comme le sont de nombreux habitués d’Espoir 18, depuis sa création en 2002. « La différence avec l’école, c’est que chez nous les jeunes ne sont pas obligés de venir », explique son directeur, Jérôme Disle qui a su observer assez tôt la hausse des préjugés, le raidissement des identités et des positions victimaires parmi les jeunes.
Tout repose donc sur la confiance créée entre ces jeunes et Espoir 18, gestionnaire des quatre Espaces jeunes du 18e arrondissement. Et cela fonctionne. Récemment, deux événements organisés en janvier sur la laïcité ont fait salle comble : une rencontre avec un imam (Tarek Oubrou), un rabbin (Yeshaya Dalsace) et un prêtre (Christian Delorme) et une soirée sur Charlie Hebdo, avec le dessinateur Riss en invité de marque.
Provoquer le dialogue
À chaque fois, les jeunes de l’association, entre 15 et 25 ans, répondent présents. Si certains montrent des signes d’ennui, d’autres posent des questions, parfois naïves. Et reviennent le plus souvent celles de jeunes musulmans s’estimant maltraités par les lois de la République laïque.
Sur ce sujet, les échanges avec Tarek Oubrou, imam passé par les Frères musulmans, prônant à présent une pratique ouverte en plein respect des lois républicaines, auront peut-être fait bouger des points de vue. Celui-ci, critique des positions rigoristes de certains musulmans, mais aussi d’une partie de la laïcité républicaine actuelle, n’hésite pas à provoquer son auditoire. La rencontre avec Christian Delorme et Yeshaya Dalsace a donné lieu à de passionnantes discussions sur la spiritualité. À l’issue de plus de deux heures de débat, on voit de nombreux jeunes poursuivre les discussions en petits groupes dans les locaux de l’association, dans une ambiance familiale. Nasra, étudiante en puériculture, confie : « Je ne suis pas d’accord avec les positions de l’imam sur le voile. Mais j’ai trouvé le débat intéressant. »
On ne peut que saluer le travail patient d’Espoir 18 pour faire advenir ces dialogues qui nourrissent les réflexions de chacun et visent à faire reculer les préjugés. Son directeur espère que ce prix l’aidera à poursuivre ce travail, dans un contexte de réduction drastique du soutien de l’État au secteur associatif, dont l’association, parmi d’autres, a fait les frais.
Photo : DR