L’exposition dédiée à la Montmartroise célèbre cette figure majeure de la peinture moderne.
Après avoir fait étape à Metz, à Nantes et à Barcelone, Suzanne Valadon rejoint la capitale. L’exposition du Centre Pompidou, riche de 200 œuvres, manifeste la place importante qu’elle occupe désormais dans l’art moderne : celle d’une artiste majeure. Le parcours se divise en plusieurs thèmes : son activité de modèle contemporain de son apprentissage du dessin, sa représentation du quotidien, les portraits de famille, son rapport à la nature et sa façon d’aborder le nu. Tout cela s’accroche sur des cloisons galbées. Pas le moindre angle droit. Pour atténuer l’âpreté, l’intransigeance même du trait de Suzanne.
De modèle à artiste
À l’entrée, les autoportraits de l’artiste à tous les âges et quelques-uns des tableaux pour lesquels elle a posé. Signés Steinlen, Puvis de Chavannes, Henner, Renoir, Toulouse-Lautrec. Encouragée par Degas, la jeune femme trace « des dessins méchants et souples », s’initie à la gravure. Elle croque d’abord ses proches. Au fil des ans sa famille, celle de son mari passeront dans son atelier. Elle compose ainsi le portrait de sa nièce Marie et de sa fillette. Huit ans plus tard, sur une deuxième toile, tout a changé. La mère a vieilli. La fille a jeté sa poupée pour lui substituer un miroir. C’est une « vanité ». Son portrait d’Erik Satie voisine avec un croquis du musicien la représentant. On entend en fond sonore Vexations, composé après leur rupture.
Cette Limousine aime la nature mais tarde à peindre des paysages. À Montmartre, elle peint les jardins vus de sa fenêtre. Dans les années 1920, son succès critique lui apporte des commandes. Elle fixe sur la toile son marchand Paul Pétridès ou Robert Le Masle, son fidèle médecin. L’importante collection de ce dernier se trouve d’ailleurs aujourd’hui dans le fonds du Centre Pompidou.
Fascinée par le corps humain
Suzanne Valadon a refusé le tabou qui interdisait aux femmes de peindre des nus. En 1909 elle se représente en Eve aux côtés de son amant André Utter. On enverra vite cet Adam se couvrir pudiquement de feuilles de vigne. Le corps humain la fascine. Elle le représente sans le flatter ni l’érotiser. N’hésitant pas à se peindre elle-même torse nu alors que sa poitrine a perdu l’arrogance de la jeunesse. Demeurée figurative, elle a inspiré les avant-gardes. En regard de son travail de femme artiste, les organisateurs de cette très belle exposition ont tenu à présenter les œuvres de ses contemporaines dont certaines furent ses amies : Marie Laurencin, Emilie Charmy, Georgette Agutte, Alice Bailly.
Les peintures que l’on peut voir ici proviennent en majorité de musées français et suisses et de collections particulières. Le Musée de Montmartre y a contribué. Rappelons qu’il avait consacré à l’automne 2015 un accrochage au « trio infernal » : Utrillo, Valadon, Utter. Une grande photo de l’atelier de la rue Cortot clôt d’ailleurs le parcours.
Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde/Dist. GrandPalaisRmn