À l’instar de la Maison des femmes de Saint-Denis, celle de l’hôpital Bichat accueille les femmes victimes de violences et leur propose un suivi médical individualisé mais aussi juridique et judiciaire.
C’est dans l’ancien bâtiment en briques de l’économat qu’a été installée en 2021 la Maison des femmes de l’AP-HP de l’hôpital Bichat-Claude Bernard. Une porte sécurisée par un interphone, et l’on entre dans un lieu entièrement rénové, aux murs ornés d’une fresque qui traduit bien l’esprit des lieux : deux mains se croisent dans un décor floral, symbolisant le côté refuge et soutien du lieu. Outre les différents bureaux, la salle médicale, une salle plus grande permet des activités collectives et des réunions. S’y déroule d’ailleurs pendant notre visite une séance de karaté sur des tatamis. La petite équipe est bien sûr féminine, jeune et très engagée : c’est par choix que ces professionnelles du soin, une sage-femme, une infirmière, une aide-soignante, une psychologue, embauchées par l’APHP, et une intervenante sociale de l’association Halte aide femmes battues, se sont engagées dans ce projet, pour certaines depuis sa création. C’est le cas d’Amélie Glading, dont le riche parcours hospitalier comme sage-femme, la formation en addictologie et l’expérience en maternité – qui lui a fait rencontrer des femmes en grande vulnérabilité – lui ont donné envie de prendre la coordination du lieu : « Je me suis beaucoup imprégnée de l’exemple de la Maison des femmes de Saint-Denis. Nous, c’est une petite équipe, mais les échanges sont faciles, d’autres sites se sont ouverts, nous sommes en lien avec l’Observatoire des violences faites aux femmes, avec le Parquet. C’est très intéressant et cela nous permet à notre tour de sensibiliser différents interlocuteurs, médecins, pharmaciens. »
Identifier la violence
Les femmes accueillies, toutes majeures, de tous les milieux sociaux et origines, victimes de violences récentes ou actuelles, sont reçues sur rendez-vous, envoyées le plus souvent par les professionnels de santé ou du secteur social, les urgences hospitalières, la protection maternelle et infantile ou les écoles. Elles sont reçues par Céline Conan et Sabrina Combet, respectivement aide-soignante et infirmière, lors d’un premier entretien permettant de déterminer quel accompagnement personnalisé peut être proposé. « Nous leur indiquons que nous ne sommes pas une association, mais un lieu de soin, un service médical de l’AP-HP et un guichet unique, précisent Sabrina et Céline. Et on leur propose de rencontrer d’autres intervenants de la structure, une fois qu’elles ont identifié leurs besoins. Mais il faut que les patientes se saisissent de cette prise en charge. » Les femmes ne parlent pas facilement de ce qui leur arrive et, certaines fois, n’ont pas identifié la violence. Il existe pour ce faire tout un matériel visuel, coloré et gradué, qui aide à comprendre en quoi elle peut consister et à l’évaluer. Parfois, la prise en charge doit être immédiate, pour des raisons de mise en danger ou de santé. C’est là qu’agit également Nadège Désert, l’intervenante sociale, qui évalue la nature de l’ensemble des besoins, l’orientation à donner à la prise en charge, notamment le logement, l’aide à l’enfance. « Les femmes qui arrivent ici sont très altérées. Les violences ont des conséquences graves sur la santé : elles sont d’ordre somatique, psychique, physique, psychiatrique et génèrent des addictions, la comorbidité ou des maladies chroniques », insiste Amélie Glading.
Des ateliers karaté et yoga
L’accompagnement est également juridique et judiciaire. Des permanences des services de police et de la Fédération nationale des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles, une fois par semaine, permettent de simplifier les démarches. Une convention avec le barreau de Paris permet également, une matinée par mois, d’obtenir les conseils d’avocats formés. Hélène Ferrary, la psychologue, aide souvent à mettre des mots sur des traumatismes très précis : « Cela permet souvent de remettre du sens dans la vie de ces femmes qui ont connu, du fait de ces violences, un arrêt de croyance dans le futur, d’écho au passé. » Car au-delà de ce présent traumatique, il y a le plus souvent des enfants, des réalités pratiques et un avenir à affronter. Pour cela, outre les entretiens, la Maison des femmes propose des ateliers karaté – pour prendre confiance en soi – , sophrologie, yoga et un atelier de socio-esthétique. Nell Bucher, la toute jeune professeure de karaté, a été formée aux plans théorique et psychologique sur le sujet et a suivi la méthode de Laurence Fisher, fondatrice de l’association Fight for Dignity. « Alors qu’on a l’impression d’être abandonnées, ici on est soutenues, témoigne une jeune patiente. Et le fait qu’il n’y ait que des femmes, c’est rassurant ».
En 2024, 230 patientes, à peu près le même nombre qu’en 2023, ont été accueillies à la Maison des femmes de Bichat.
Illustration : Stéphanie Clément