En février, deux marches exploratoires sont organisées par des femmes du quartier. Leur objectif : établir un rapport pour améliorer l’égalité des genres dans l’espace public et se réapproprier ce dernier.
En France, plus de 1,6 million de femmes se déclarent victimes d’atteintes sexistes hors du cadre conjugal. Cela peut aller des injures aux menaces, en passant par les violences physiques (gifles, coups, blessures) et la discrimination en raison du sexe ou de l’état de grossesse. Cela représente environ 5 % de la population féminine du pays.
Dans le 18e, les quartiers de la porte de Clignancourt et de la porte de Montmartre n’échappent pas à la règle. C’est pourquoi la Maison bleue songe à créer un espace pour les associations qui viennent en aide à des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles. Avant ça, le centre social et la Maison de la conversation, épaulés par Dominique Poggi sociologue à l’Observatoire de l’égalité femmes-hommes de la Ville de Paris, organisent en février deux marches exploratoires dans le quartier. « On a sensibilisé les femmes en amont lors de deux réunions de préparation, retrace Anastasia Cyprès, chargée de programmation culturelle à la Maison de la conversation. Sur des cartes du quartier, chacune a mis des points rouge, vert ou jaune en fonction de son ressenti dans certaines rues et pourquoi ». Elles ont ensuite effectué le trajet des deux marches exploratoires « afin d’identifier les points importants où il faudra qu’on s’arrête et avoir un regard à 360 degrés » précise Léa Magdelonnette, référente développement du pouvoir d’agir des habitants, de la communication et du territoire zéro déchet à la Maison bleue.
La stratégie de l’évitement
D’une durée d’environ une heure et demie chacune, les deux marches exploratoires – une de jour et une de nuit – auront lieu les 1er et 10 février. Au cours de celles-ci, certaines femmes auront des rôles bien précis : prendre des photos ou des notes, s’assurer que tout le monde suive et prenne la parole. Ainsi, même si Léa et Anastasia habitent toutes les deux le quartier, et sont donc concernées directement par le sujet, leur but est que les participantes soient actrices et porteuses du projet : « On est vraiment là pour les accompagner, les guider, et être en soutien, car ce sont leurs quartiers et leurs habitudes de vie ».
Parmi les lieux qui ont retenu le plus d’attention, se trouvent la porte de Clignancourt et la porte Montmartre, mais aussi la rue Eugène Fourrière et l’arrêt du tram Angélique Compoint. « Lors des réunions préparatoires, une des femmes a évoqué la stratégie de l’évitement qu’on met en place, rapporte Léa de la Maison bleue. Pour rentrer chez nous, par exemple, on sait parfois qu’on va devoir faire un détour pour éviter une rue dans laquelle on ne se sent pas en sécurité, car il y a des hommes ou des groupes qu’on ne sait pas identifier, surtout la nuit. Par exemple, il n’y a pas un moment où on se balade à porte de Clignancourt sans être hyper vigilantes. »
Sensibiliser les jeunes
Repenser et se réapproprier l’espace public : voilà donc tout l’enjeu de ces marches exploratoires, lesquelles donneront lieu au printemps à un rapport qui sera ensuite présenté à Éric Lejoindre, maire du 18e. Entre-temps, un atelier parole de femmes sera organisé par la sociologue Dominique Poggi, instigatrice des marches exploratoires. Son but : aider les participantes à se sentir à l’aise et légitime dans leurs prises de parole. « J’ai souvent l’impression que ce sont les victimes qui mettent en place des systèmes plutôt que les personnes qui sont source de tension, constate Léa Magdelonnette. Mais il faut attaquer le problème dès l’enfance, en faisant des ateliers de sensibilisation dès la maternelle. » Ça tombe bien, des éducateurs de rue participeront avec des jeunes du quartier aux marches de février. Avant celles-ci, des collégiennes du quartier seront également interrogées. Espérons qu’adultes, elles ne devront pas à leur tour partir en exploration.