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septembre 2020 / Mobilisation en tout genre

Sans-papiers : Vivre comme si la situation était normale

par Catherine Masson

Ils seraient près de 200 couturiers dans la Goutte d’Or, souvent dans l’économie informelle.

Une distribution de masques, confectionnés par les couturiers de la Goutte d’Or pendant le confinement, a été organisée le 29 mai dernier, à la Maison de la vie associative et citoyenne (MVAC). Amadou Sylla de SOS Casamance et Marie Montolieu du Mrap souhaitaient sensibiliser la population et les autorités à la situation de ces artisans sans-papiers et exercer une pression supplémentaire pour leur régularisation.

On les voit ces hommes, dans les échoppes du quartier, penchés sur leur machine à coudre, serrés les uns contre les autres, ils ne sont pas cachés mais restent invisibles. Mais il a fallu le confinement et la fermeture des boutiques pour qu’ils soient révélés aux habitants. Et leur générosité a fait prendre conscience de leur non-existence juridique.

Ces hommes, jeunes pour la plupart, viennent du Sénégal et du Mali attirés par un « mirage européen », dû au décalage considérable de niveau de vie entre l’Europe et l’Afrique. Ils sous-louent à leurs compatriotes une place dans un atelier, environ 250 € par mois, et travaillent à leur compte pour leur propre clientèle africaine de Paris ou d’ailleurs. Ils travaillent beaucoup pour envoyer un maximum d’argent à leur famille au pays mais ils demeurent hors du système français.

A la merci de l’administration

Malgré leurs difficultés ils ne repartent pas et vivent des années sans papiers car les critères de régularisation sont contraignants et interprétables par la préfecture de police. Peu d’entre eux obtiennent une carte de séjour (depuis dix mois, une centaine de dossiers ont été déposés par le Mrap à la préfecture de police sans résultat à ce jour). Des preuves d’intégration doivent être fournies, notamment la maîtrise de la langue française et une promesse d’embauche. L’association SOS Casamance s’y emploie en les incitant à s’inscrire aux cours de français et à des formations de couturiers initiées par la Mairie de Paris.

Ainsi Hamady Racine, en France depuis onze ans. Il parle couramment le français, vient d’obtenir l’épreuve pratique du CAP couturier, continue sa formation et espère pouvoir présenter bientôt son dossier.

SOS Casamance les accompagne dans leur processus de régularisation. Un groupe WhatsApp a été créé, auquel sont inscrites plus d’une centaine de personnes. Il permet un partage d’informations pour aider à la constitution des dossiers et fédérer cette population invisible.

Son président, Amadou Sylla, espère que quelques personnes pourront porter le message et animer le Collectif des sans-papiers de la Goutte d’Or en cours de création à l’initiative du Mrap. « Nous avons créé un groupe What’s App avec tous les appre­nants pour qu’ils puissent échanger. »

Toutefois les signaux donnés par le gouvernement ne présagent pas d’une avancée sur ce terrain, alors que la circulaire Valls de 2012 autorise les régularisations sous certaines conditions que beaucoup de sans-papiers remplissent. En effet, une circulaire n’a pas de valeur contraignante sur l’administration. Même si l’étranger remplit l’ensemble des conditions selon la catégorie de titre de séjour qu’il sollicite, la préfecture pourra refuser sa demande, avec ou sans obligation de quitter le territoire français.

Peu d’entre eux osent rentrer au pays car la pression familiale est très forte et l’exode vers l’Europe se poursuit. Et Hamady Racine de conclure notre entretien, philosophe : « Je continue à vivre comme si ma situation était normale. »

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