Amener les jeunes en fauteuil roulant vers l’autonomie, c’est le projet de Sofyane Mehiaoui à travers la pratique du basket en fauteuil au Paris Basket Fauteuil. Sans oublier l’ambition sportive de faire remonter le club en milieu de tableau de la Nationale 3 cette année.
La nuit commence à montrer le bout de son nez ce lundi 11 septembre au gymnase des Fillettes, pas très loin de la porte de La Chapelle. Le club de Paris Basket Fauteuil reprend ses entraînements après la pause estivale. Sur le terrain, une quinzaine de personnes, entre treize ans et la quarantaine. Par moment, elles slaloment autour de plots ; à d’autres, elles travaillent à se désengager d’un blocage de fauteuils. La concentration est de mise, ce qui n’empêche pas une forme de décontraction.
Le capitaine à bord, c’est lui, Sofyane Mehiaoui, un gaillard de 39 ans, à la bonne humeur communicative qui n’a pas quitté son fauteuil depuis la plus tendre enfance. « Je suis né en Algérie et j’ai été touché très jeune par la polio. Je suis ensuite arrivé avec mes parents dans le 18e où j’ai grandi », raconte-t-il.
De l’école à l’équipe de France
Il y aura ensuite la scolarisation à l’école de la rue de la Guadeloupe qui compte des sections pour enfants handicapés. « A l’école, poursuit Sofyane, j’ai découvert le basket en fauteuil et cela m’a beaucoup plu. La difficulté d’alors, c’est qu’à Paris, il n’y avait qu’un club dans le 15e arrondissement où je suis allé m’entraîner pendant deux ans. » La passion pour ce sport devient envahissante, si bien que Sofyane met entre parenthèses ses études de biologie. Il part ensuite s’entraîner dans le club de Meaux (Seine-et-Marne) avec lequel il remporte le championnat de France. Il est alors semi-professionnel, s’entraînant tous les jours, cumulant le bénéfice de l’Allocation adulte handicapé (AAH) et des petites indemnités ou primes de match pour vivre.
Démarre ensuite une carrière européenne au cours de laquelle il remporte nombre de titres nationaux ou européens. Il part d’abord dans des clubs italiens où le niveau est très élevé. Il prend ensuite le chemin de la Turquie avec le club mythique de Galatasaray. A Istanbul, il remporte le championnat d’Europe à deux reprises. Parallèlement, il est sélectionné en équipe de France depuis 2015.
Un budget conséquent
« La période du Covid m’a fait réfléchir et m’a donné envie de préparer les Jeux olympiques en France, raconte Sofyane. Je suis revenu à Paris avec le projet de permettre aux personnes en fauteuil qui le souhaitent de jouer au basket. » Cet habitant historique du 18e qui joue maintenant à Gennevilliers, rencontre alors l’adjoint aux sports et aux Jeux Olympiques et Paralympiques de l’arrondissement, Mams Yaffa. Le projet de créer un club handi-basket s’échafaude et la mairie propose un gros coup de main pour propulser cette activité (15 000 €).
A la différence du basket pour valides, ce sport nécessite des investissements en matériel conséquents, principalement l’achat des fauteuils adaptés. « L’achat neuf représente entre 2 000 et 6 000 euros, explique Sofyane. Les premiers prix correspondent à un fauteuil d’initiation pour des enfants par exemple. Mais en progressant dans le sport, il faut compter pour un fauteuil adapté au moins 4 000 €. » Outre la mairie, le joueur international a bénéficié de fonds privés en provenance d’entreprises et a pu ainsi acheter des fauteuils d’occasion. « Certains anciens joueurs m’en ont vendu pour 500 € », glisse-t-il. Il estime que l’investissement global tourne autour de 30 000 €. Quant au fonctionnement, il faut compter 20 000 € l’an pour les déplacements tout autour de Paris et dans le nord de la France, plus les frais d’arbitrage.
Le chemin vers l’autonomie
A la rentrée de septembre 2021, Paris Basket Fauteuil est officiellement lancé, avec au départ une poignée de joueurs dont Manel. Cette jeune femme au sourire insolent fait partie de cette première vague : elle nous confie son plaisir d’être là au milieu de ses pairs de tous âges et de toutes origines. Dans le groupe, où transparaissent bonne humeur et bienveillance, le niveau de handicap est très variable, certains étant totalement paralysés de leurs jambes, d’autres pouvant marcher difficilement. « A la rigueur, glisse Sofyane, une personne valide pourrait participer à nos matchs. » (lire encadré)
La saison dernière, Paris Basket Fauteuil qui évoluait en National 3 a fini bon dernier, mais cette année, avec des joueurs mieux entraînés, Sofyane vise le milieu de tableau. Il espère de nouveaux licenciés et un second créneau d’entraînement en plus du lundi. « Par-delà la dimension sportive, ma grande joie, c’est d’aider les joueurs à être plus autonomes. Tous viennent du 18e, d’autres arrondissements ou de Seine-Saint-Denis en transports en commun. »
Loin de toute démarche protectrice, Sofyane tient un discours de vérité en valorisant l’autonomie des individus. « Souvent, je taquine les jeunes en leur disant qu’ils n’auront pas toujours papa et maman pour les aider. » •
Photo : Jean-Claude N’Diaye