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mars 2017 / Goutte d’Or - Château rouge

L’adieu à Simone Viguié, une grande dame du quartier [Article complet]

par Nadia Djabali

De nombreux habitants et amis de la Goutte d’Or ont rendu un hommage à Simone Viguié, qui s’est éteinte fin janvier à l’âge de 91 ans.

Une grande dame... Ce sont les termes qui conviennent pour Simone Viguié qui vient de s’éteindre à l’âge de 91 ans. Installée 8 rue des Gardes à la Goutte d’Or en 1969, elle s’était vingt ans plus tôt engagée définitive- ment dans la vie religieuse. Mais elle aspirait à vivre autrement ses convictions, en étant proche des conditions de vie de la plupart des gens, par le travail, l’habitat, les relations.
Cette femme a marqué de son empreinte le quartier de la Goutte d’Or où elle a œuvré pendant quarante-quatre ans en compagnie de sa complice en religion Micheline Tissot.
Si un bureau de poste a été construit rue des Islettes, elle y est pour quelque chose. Si un Franprix avait ouvert rue de la Goutte d’Or, c’est également un peu grâce à elle.
Elle a suivi de près la rénovation de la Goutte d’Or sud puis de Château-Rouge afin que les habitants puissent rester dans leur quartier.

Contre l’injustice

Elle s’est intéressée à la condition des prostituées : « Lors des réunions à la Salle Saint-Bruno, on a créé un groupe Prostitution », racontait-elle en octobre 2013 au 18e du mois. « Nous sommes entrées en contact avec le mouvement du Nid, qui s’occupait des prostituées. On pouvait parler à celles-ci, mais pas longtemps. La mère maquerelle ne nous laissait pas leur faire perdre trop de temps. »
Simone est également une des personnes qui se sont battues bec et ongles pour l’ouverture d’une antenne du Secours catholique rue des Gardes. Antenne qui par la suite est devenue l’association Accueil Goutte d’Or. Elle fait également partie du groupe d’habitants à l’origine de la création des Enfants de la Goutte d’Or, de l’association Paris Goutte d’Or. Et elle a encouragé la création d’Espoir Goutte d’Or, de L’Arbre bleu et du Pôle santé de la rue Cavé. « Le secret, c’est qu’il faut aimer les gens et se bouger ! », disait-elle à notre journaliste, peu de temps après son départ à la retraite dans une communauté de Villefranche-de-Rouergue. En 1991, lorsque Jacques Chirac a fait état du « bruit et de l’odeur » à la Goutte d’Or dans un discours prononcé à Orléans, Simone Viguié est une fois de plus montée au créneau et a contacté des intellectuels pour protester contre ces paroles. Simone Viguié a eu les honneurs d’une tribune dans le journal d’extrême droite Minute, dans lequel un certain Patrick Buisson l’a qualifiée de « religieuse gauchiste ».
Elle a soutenu aux côtés de Jean-Paul Sartre, Saïd Bouziri, lorsque ce dernier, menacé d’expulsion, a été contraint en 1972 de faire la grève de la faim pour obtenir des papiers. Cette grève de la faim a été une des premières organisées par des immigrés depuis la guerre d’Algérie.
En 1971, elle est aux côtés de Michel Foucault, Claude Mauriac, Gille Deleuze et Maurice Clavel et Jean Genet pour dénoncer l’assassinat de Djilali Ben Ali, jeune Algérien de 15 ans, dans le quartier de la Goutte d’Or. À l’époque le comité créé pour faire la lumière sur ce meurtre tenait ses réunions à la salle Saint Bruno, et à La Maison verte.

Religieuse et laïque

Religieuse et militante pour la défense de la laïcité à la fois, Simone Viguié a été de tous les combats qui ont jalonné l’histoire de la Goutte d’Or de ces cinquante dernières années. Samedi 25 janvier, les chaises de l’église Saint-Bernard de La Chapelle étaient toutes occupées. Des habitants, des amis de toutes les nationalités, athées ou de toutes confessions, ont voulu rendre hommage à la grande dame. « Le bilan essentiel, nous confiait-elle en 2013, c’est que les choses changent grâce à la militance, grâce au collectif. »

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Photo : © Nadia Djabali

Dans le même numéro (mars 2017)