Journal d’informations locales

Le 18e du mois

Abonnement

FacebookTwitter

février 2021 / La vie du 18e

Des écoliers à la rencontre de l’art contemporain

par Dominique Boutel

Dans le cadre du programme Une œuvre à l’école, le Fonds d’art contemporain-Paris Collection prête des œuvres aux établissements scolaires. Cette cohabitation n’est-elle pas la meilleure façon de sensibiliser les jeunes esprits à la création ?

La salle d’art de l’école Rouanet a tout d’un musée : œuvres des élèves, posters d’art, et même projections vidéo. Pas un centimètre sur les murs qui ne témoigne de l’intérêt que l’établissement porte à l’art visuel et de la créativité de l’enseignante en arts plastiques Bénédicte Delaroche-Hébert. « L’architecture très particulière de l’école invite à favoriser la présence de la culture, explique-t-elle. L’art y a sa place. » C’est pourquoi il y a deux ans, l’établissement s’est porté volontaire pour accueillir l’une des œuvres d’art contemporain du fonds de la Ville de Paris.

Et elle renouvelle l’expérience cette année avec Contrebande ≠2 de l’artiste Céline Vacher-Olivier. Ce grès émaillé dissimulé sous un drapé de tissu en soie avec des motifs de fleurs, noué selon une technique japonaise pour emballer les cadeaux, le furoshiki, est installé dans l’entrée de la classe d’art, un lieu de passage pour tous les élèves.

Bénédicte Delaroche-Hébert souhaitait une œuvre qui fasse la part belle au mystère : « Elle a une belle présence, suscite l’imaginaire, les enfants sont enthousiastes : ils en parlent à la récréation, il n’y aucune réaction de rejet. Et l’importante protection nécessaire les interroge également. » Elle a été mise en place par le personnel de Paris Collection qui, après avoir choisi son emplacement dans l’école, installe un socle, un plexiglass ou une cloche afin de réduire les risques de détérioration.

Développer l’esprit

Claire Boustani, responsable de la médiation, propose chaque année aux écoles inscrites dans le projet un choix de cinq créations d’artistes vivants. « Je valorise en priorité des œuvres récentes choisies en lien avec les demandes thématiques des écoles, mais il faut que les conditions d’exposition soient les meilleures possibles. » Un dossier pédagogique est fourni aux écoles et si les enseignants le souhaitent, un accompagnement peut être réalisé par des étudiants en médiation de l’art contemporain. Cerise sur le gâteau, l’artiste peut accepter d’intervenir dans l’établissement.

L’objectif est le même pour tous, la familiarité avec l’art :« L’artiste est une personne comme les autres, accessible, il n’y a plus de barrières. L’œuvre fait partie du quotidien des enfants », témoigne la directrice Ophélie Boussetta. Et c’est la notion même d’art qui émerge : « Il y a un vrai travail pour leur faire comprendre qu’une œuvre d’art peut être faite avec des matériaux du quotidien  », explique l’enseignante. « Les enfants ont déjà des représentations très classiques », complète Ophélie Boussetta. « L’art contemporain fait appel aux sensations et cette approche n’est pas toujours simple. Il suscite des interrogations qui n’ont pas forcément une seule réponse et cette démarche est intéressante car elle permet de développer un esprit ouvert. »

Claire Boustani souhaite aussi que les enfants découvrent l’art contemporain « dans une rencontre avec l’œuvre, non avec l’artiste. Il s’agit d’une résidence d’œuvre, d’où la durée de l’expo­sition, une année scolaire, dans un espace vu par tous.  » Passée la recherche de signification, de sens, les enfants mettent « la main à la pâte » et produisent leur interprétation. Elle fera l’objet, si les conditions le permettent cette année, d’une grande exposition dans l’école, à laquelle les familles sont invitées. « Hier, un petit garçon m’a offert un cadeau enveloppé dans un furoshiki (voir ci-dessous), raconte Bénédicte Delaroche-Hébert, parce qu’il a acheté du tissu avec sa mère au marché Saint-Pierre. C’était magnifique, mais aussi la preuve que l’art sort de l’école et pénètre le cercle familial. Au bout de deux ans seulement, les enfants font des comparaisons entre les œuvres, ajoute-t-elle. Ils essayent de comprendre la nouvelle en utilisant ce qu’ils ont construit par rapport à la précédente. »

Plaisir et force créatrice

Deux autres écoles accueillent des œuvres d’art : Houdon avec une sculpture de Pascale-Marthine Tayou, Détail de la fontaine E et Pierre Budin, avec une photo, Place Houwaert de Randa Maroufi, artiste qui a exposé sa série sous les voûtes du métro aérien à la Goutte d’Or. A l’école Houdon, qui participe au projet depuis cinq ans, Barbara Martinez, professeure d’arts plastiques, avoue que son propre rapport à l’art contemporain a évolué. Surtout, tout le monde s’amuse : « Les enfants ne se rendent même pas compte qu’ils apprennent ! Ils sont tellement dans le plaisir que ça coule de source. »

Claire Boustani suit les projets de très près et les enseignantes se réjouissent de son engagement, comme en témoigne sa présence à chaque restitution. Pour elle aussi, « l’art parle très vite aux enfants et libère une force créatrice très puissante  ».

Pour zn savoir plus : paris.fr

Dans le même numéro (février 2021)

  • Le dossier du mois

    Sorties de crise incertaines

    Annie Katz, Danielle Fournier, Mehdi Bouttier
    C'est peu dire que la crise sanitaire n'a pas placé ce début d'année sous les meilleurs auspices ! Souffrance des étudiants précarisés et isolés, difficultés de la vaccination malgré l'engagement de tous les acteurs de santé. Pourtant un peu d'humour, grâce au regard acéré d'un artiste en herbe, à propos des gestes-barrières.
  • La vie du 18e

    La place du village se réinvente en ligne [Article complet]

    Florianne Finet
    Le confinement a donné un nouvel élan au groupe d’entraide entre voisins du 18e sur Facebook, qui compte désormais près de 12 000 membres.
  • La vie du 18e

    Lycée Rabelais : saison 4, le retour

    Danielle Fournier
    Le « rapatriement » d’une partie des élèves dans le 18e programmé pour le 1er mars aura-t-il lieu ? Cela dépendra de l’issue du bras de fer entre la Ville de Paris et la Région Ile-de-France.
  • Sorties de crise incertaines

    Etudiants, l’année de tous les risques

    Mehdi Bouttier
    Entre fermeture des universités, cours à distance, isolement, augmentation de la précarité, troubles psychologiques, les étudiants souffrent des mesures prises pour contrer la pandémie. Dans le 18e arrondissement, l’atmosphère est particulièrement tendue.
  • Sorties de crise incertaines

    Vaccins : ni les flacons, ni l’ivresse

    Annie Katz
    Tous les acteurs de santé et leurs partenaires sont mobilisés pour accueillir les personnes souhaitant se faire vacciner contre le coronavirus. Il ne manque plus que les doses adéquates.
  • Sorties de crise incertaines

    Obtenir un rendez-vous : le parcours du combattant

    Marie-Odile Fargier
    Centres d’appel surchargés, liens Internet activés tardivement et surtout manque de doses : il faut être aussi chanceux qu’obstiné pour décrocher un rendez-vous à Paris.
  • Grandes carrières

    Une entreprise bien culottée

    Dominique Boutel
    « Osez être culottée », « Il est temps de changer les règles », telle est la communication d’une petite entreprise bien implantée depuis deux ans dans l’arrondissement et qui a le souci de préserver la santé aussi bien que la nature.
  • Montmartre

    Le vidéo-club de la Butte : un vrai cinéma de quartier

    Monique Loubeski
    Un vidéo-club est-il un commerce essentiel ? Les riverains de la rue Caulaincourt ont répondu un grand OUI à cette question. En créant et alimentant une cagnotte en ligne, ils ont permis à ce petit bout de Paris malmené par la crise de ne pas sombrer.
  • Simplon

    Feu vert pâle du Conseil de Paris à un projet controversé

    Dominique Gaucher
    Le réaménagement du centre de remisage et de maintenance des bus de la RATP, certes nécessaire pour accueillir dès 2025 des véhicules propres, est aussi l’occasion de bâtir au-dessus d’une dalle de recouvrement jusqu’à neuf étages de logements sociaux, résidence en coliving, commerces, etc.
  • Histoire

    Les demoiselles du téléphone du central Marcadet

    Annick Amar
    Avant l’automatisation définitive du réseau français, des centraux téléphoniques hébergeaient de nombreux employés. Ce personnel qualifié était essentiellement constitué des « demoiselles du téléphone », jeunes filles célibataires corvéables à merci.
  • Les Gens

    « On est là pour le frisson »

    Dominique Boutel
    Implantés dans le quartier de la Goutte d’Or depuis plus de trente ans, Patrick et Louise Marty donnent le goût de la musique et du spectacle vivant en mettant le plaisir en première ligne.