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février 2021 / Simplon

Feu vert pâle du Conseil de Paris à un projet controversé

par Dominique Gaucher

Le réaménagement du centre de remisage et de maintenance des bus de la RATP, certes nécessaire pour accueillir dès 2025 des véhicules propres, est aussi l’occasion de bâtir au-dessus d’une dalle de recouvrement jusqu’à neuf étages de logements sociaux, résidence en coliving, commerces, etc.

Savez-vous en quoi consiste le projet appelé la « halte Belliard » ? Il s’agit de construire un ensemble immobilier de 25 000 m2 en partie au-dessus de l’aire d’accueil et de maintenance de centaines de bus. Drôle d’idée, direz-vous ! C’est pourtant celle conçue par la RATP devant la nécessité de faire les travaux indispensables pour accueillir, en 2025, des véhicules entièrement « verts ». La majorité d’entre eux seront électriques, les autres fonctionneront au biogaz. Cette transformation suppose l’agrandissement de l’espace dédié au remisage des bus et la reconversion des installations actuelles de maintenance. Des travaux importants que financeront les constructions prévues confiées, au terme d’un appel à projets associant la RATP et la Ville de Paris, à la société Linkcity.

Le projet prévoit, superposé au centre bus, la construction de 5 bâtiments de 5 à 9 étages, construits en partie sur une dalle de 9 000 m2 au-dessus du centre de remisage de la Régie. On y trouvera des logements familiaux, une résidence privée de coliving* de 271 lits, une résidence sociale de type Maison relais, des espaces de travail, des commerces et une salle d’escalade de 1 600 m2.

Cette « programmation mixte » se veut écologique. Selon le promoteur, près de 50 % de l’opération sera réalisée en bois ou avec d’autres matériaux biosourcés. Une halle photovoltaïque de 2 000 m2, couvrant une partie du centre bus, assurera près de la moitié des besoins en électricité. Elle permettra aussi l’autoconsommation pour une partie des logements.

Le voisinage s’inquiète

Le Conseil de Paris a donné, en novembre 2020, son feu vert au lancement de l’opération, tout en signalant les points de vigilance suivants : le respect des réglementations sécurité incendie et ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) ; la présence permanente d’interlocuteurs du maître d’ouvrage et de la RATP pour les riverains et les futurs habitants/usagers ; le respect des engagements pris par le maître d’ouvrage lors de la concertation concernant l’association des riverains pour la programmation commerciale et associative et pour l’animation du jardin central.

Des réserves destinées à mieux prendre en compte les conditions de vie des habitants du quartier. Car, depuis sa conception initiale, le projet les inquiète. Dans un quartier très dense, où les espaces verts font cruellement défaut, la perspective de constructions supplémentaires ne paraît guère pertinente. D’autant que le caractère industriel du site engendre déjà un certain nombre de nuisances. Elles proviennent notamment de la circulation des 260 bus actuellement sur ce site, de son éclairage en continu et des produits utilisés pour la maintenance.

Lors de la concertation publique, menée de juillet à novembre 2019, ils ont fait état de leurs préoccupations. De son côté, le maître d’ouvrage met en avant l’apport d’activités économiques comme facteur d’amélioration de la situation du quartier. En décembre 2019, le Conseil de Paris lui a demandé de faire évoluer le projet notamment en l’ouvrant sur le quartier et en augmentant la superficie des espaces verts.

Un manque de vision urbaine

Le programme présenté en novembre 2020 au Conseil de Paris a été légèrement revu : la surface verte augmente légèrement, le jardin central sera accessible aux horaires d’ouverture de la salle d’escalade, et un local associatif complètera l’opération. Le maître d’ouvrage s’est engagé à associer les riverains à la programmation des surfaces commerciales et aux actions d’animation de ce nouvel espace. Sur proposition du président de la Commission urbanisme et logement, Emile Meunier, le Conseil de Paris a adopté des amendements destinés à sécuriser juridiquement ces évolutions.

L’Association pour le suivi de l’aménagement Paris Nord-Est (ASA PNE) constate que « la densité du projet reste toujours forte avec 18 000 m2 de logements dont 8 000 m2 de résidence en coliving. Et la surface d’espaces verts demeure limitée passant seulement de 2 000 à 2 400 m2 soit 13 % des 1,8 hectare du projet... un taux bien en deçà des recommandations de 30 % du Schéma régional de cohérence écologique. » L’ASA PNE regrette aussi que l’avenir de l’ensemble de cet important site industriel, amené à évoluer dans les prochaines années, n’ait pas été pris en compte. « Cela aurait permis d’avoir une vision plus large de la mutation urbaine sur ce secteur », indique-t-elle.

Préalablement au permis de construire, attendu au second trimestre 2021, une participation du public par voie électronique se déroulera en ce début d’année. Les travaux devraient démarrer l’été prochain, leur achèvement s’échelonnant de 2024 à 2027.

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