janvier 2014 / Histoire
La crypte du Martyrium de saint Denis : un vénérable oratoire [Article complet]
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La tradition veut que là eut lieu le martyre de saint Denis et, là encore, qu’Ignace de Loyola projeta la fondation de la compagnie de Jésus, l’ordre des jésuites.
Juste à côté de l’entrée du collège Yvonne-Le-Tac, au 11 de la rue du même nom à Montmartre, pas loin du métro Abbesses, existe une crypte où la légende veut que saint Denis fut décapité et enterré. Douze siècle plus tard, saint Ignace de Loyola y prononça un discours fondateur de la Compagnie de Jésus.
L’entrée de ce lieu mystérieux est discrète, cachée par une modeste porte en bois vernis. Peu de Parisiens et moins encore de touristes le connaissent. La crypte du Martyrium de saint Denis est pourtant chargée d’histoire.
La tradition rapporte qu’au IIIe siècle, Denis, premier évêque de Lutèce, aurait été décapité sur le mont des Martyrs appelé aujourd’hui Montmartre. On raconte aussi que saint Denis se serait rendu jusqu’à la cathédrale de Saint-Denis en portant sa tête dans ses mains.
À la fin du Ve siècle, à l’instigation de sainte Geneviève, une chapelle est construite à l’endroit supposé du martyre. Elle devient au cours des siècles un important lieu de pèlerinage. Tous les sept ans, une grande procession solennelle, célébrée jusqu’en 1784, mène les pèlerins depuis l’abbaye de saint Denis jusqu’au Martyrium. C’est, dit-on, le roi Dagobert qui, au VIIe siècle, l’aurait instituée.
En 1133 le roi Louis VI le Gros et sa femme Adélaïde de Savoie fondent l’abbaye royale des Bénédictines de Montmartre à laquelle sera désormais rattachée la chapelle des Martyrs. Les plus humbles comme les plus grands viennent y prier : Bernard de Clairvaux, Pierre le Vénérable, les papes Eugène III et Alexandre III, Thomas Becket et bien d’autres.
Un vaste caveau creusé dans la roche
Dans la matinée du 15 août 1534, Ignace de Loyola se rend à Montmartre avec un groupe de six compagnons, étudiants comme lui à l’Université de Paris.
Parmi eux se trouve François Xavier, qui devint missionnaire en Extrême-Orient. Tous ont décidé de consacrer leur vie à la gloire de Dieu et au salut des hommes.
Au cours de la messe présidée par Pierre Favre, qui fut le premier prêtre jésuite, chacun prononce le vœu qui fait du Martyrium la première étape d’une histoire qui conduira à la fondation de la Compagnie de Jésus (l’ordre des Jésuites). La Compagnie sera officiellement reconnue par le pape Paul III, six ans plus tard.
La chapelle est gravement endommagée lors du siège de Paris par Henri IV en 1590. Elle est rebâtie en 1611 par les soins de l’abbesse Marie de Beauvilliers, avec le concours de Marie de Médicis et de nombreux bienfaiteurs. Au cours des travaux, on découvre fortuitement un vaste caveau creusé dans la roche que l’on croit pouvoir identifier comme le lieu où aurait été déposé le corps de saint Denis. En réalité, il ne s’agissait que d’une ancienne carrière. Cette découverte a toutefois un grand retentissement dans tout Paris. Dans les années qui suivent les pèlerins accourent en foule, de sorte que l’évêque de Paris autorise en 1622 la fondation d’un prieuré qui deviendra « l’Abbaye d’en-bas ».
Les bâtiments de l’Abbaye d’en-haut sont progressivement abandonnés, à l’exception de la chapelle qui devient église paroissiale en 1682. C’est l’actuelle église Saint-Pierre.
Le cardinal et les carmélites espagnoles
Tout au long du XVIIe siècle, le rayonnement spirituel du Martyrium est remarquable. Parmi les visiteurs célèbres, vient y prier le conseiller de Marie de Médicis, le cardinal Pierre de Bérulle accompagné de carmélites espagnoles qui vont introduire en France la réforme thérésienne (du nom de Thérèse d’Avila), puis les premiers oratoriens et les premiers sulpiciens, François de Sales, théologien, fondateur de l’ordre des Filles de la Visitation, Vincent de Paul, les Pères des Missions Étrangères et surtout Jean Eudes, maître de la spiritualité au XVIIe siècle, initiateur du culte du cœur de Jésus et de Marie, et grand ami du Martyrium.
Pendant la Révolution, l’abbaye est mise en vente en 1794. Elle est démolie et ses pierres serviront aux constructions d’immeubles dans le quartier. Un petit oratoire est édifié en 1854 à l’emplacement présumé du Martyrium et la crypte actuelle est elle-même reconstruite en 1886-1887.
* Crypte du Martyrium de saint Denis et du souvenir de saint Ignace de Loyola,
11 rue Yvonne-Le-Tac. Ouverture au public tous les vendredis de 15 h à 18 h. Rens. : Zygmunt Blazynsky, Tél. 01 42 23 48 94 et sur le site :
cryptemartyrium-paris.cef.fr