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octobre 2021 / La vie du 18e

Basiliade : une escale pour reprendre sa route

par Stéphane Bardinet

L’association Basiliade met en service des appartements en colocation dans le 18e. Le projet, monté avec l’aide de la Mairie de Paris, donne un toit à des jeunes migrants marginalisés dans leur pays d’origine et qui sont passés par une période de grande précarité sur notre territoire.

« En France, je suis moi-même alors qu’au Sénégal je jouais un rôle ; maintenant que j’ai un toit, j’aimerais terminer mes études et obtenir un master en marketing digital », explique l’un des résidents de l’appartement de la rue des Poissonniers. Les parcours des trois jeunes gens originaires du Sénégal, de Côte d’Ivoire et de Guinée*, qui partagent ce logement sont assez similaires et tristement banaux : homosexuels ostracisés dans leur pays et par leur famille, ils sont venus en France à la recherche de tolérance et de liberté. Migrants en attente de régularisation, ils sont passés par une période de grande précarité, dormant parfois dans la rue, dans un état de santé physique et psychique très dégradé. Et dans un hébergement collectif classique, tel que les institutions sociales les proposent, ils peuvent également être victimes de violences et de discriminations.

Basiliade est une association née dans le sillage des années sida et qui agit dans le domaine du médicosocial et du soutien aux personnes marginalisées et fragilisées. Dans l’arrondissement elle gère notamment un hôtel, transformé en foyer d’accueil pour des mères isolées en exil (lire notre n° 289). Le dispositif Escale, créé pour les personnes LGBT, a d’abord été lancé l’été 2020 avec un appartement dans le 20e. Celui de la rue des Poissonniers est le second du genre dans le 18e et le troisième à Paris.

Les appartements Escale accueillent en colocation trois personnes sur des périodes de six mois renouvelables. « Les objectifs de ces hébergements sont pluriels », explique Didier Arthaud, fondateur et président de Basiliade. « D’abord permettre à ces jeunes de se poser après une longue période d’errance, avant de pouvoir s’occuper de leurs droits et d’obtenir un permis de séjour, ensuite ils peuvent retrouver un bon état de santé physique et mentale, ce qui leur ouvre la voie vers l’insertion professionnelle. Seulement après ils pourront réfléchir et agir en vue de leur sortie du dispositif. » Escale permet en effet de proposer un accompagnement complet (médical, infirmier, juridique, psychologique et conseil pour l’orientation professionnelle et la formation), et d’apporter une aide alimentaire.

Le 13 septembre dernier, Ian Brossat, adjoint au logement et aux réfugiés à la Mairie de Paris et Eric Lejoindre, maire du 18e, sont venus découvrir ce troisième appartement mis à disposition par le bailleur municipal Elogie-SIEMP et ont fait connaissance avec les résidents. Ceux-ci ont raconté leur parcours, arrivés légalement pour des études ou clandestinement, ils répondent sobrement aux questions, et on sent encore le poids des épreuves qu’ils ont affrontées telles que le rejet, l’errance, la maladie ou la prostitution. Le mal du pays est présent : « Notre sexualité est bannie dans notre culture et jusque dans nos familles, mais pourtant, nous aimons toujours notre pays », confie Jacques. Mais tous regardent maintenant vers l’avenir. L’un aimerait se lancer dans la cuisine, un autre dans les nouvelles technologies et le troisième se verrait bien gardien de la paix. Ils peuvent garder espoir, sur les onze personnes déjà accueillies dans les appartements Escale, huit ont été régularisées.

Dans le même numéro (octobre 2021)

  • Le dossier du mois

    Sauvons nos quartiers

    Sandra Mignot, Sylvie Chatelin
    Une ville plus aérée, plus accessible, plus verte favorisant la qualité de vie des habitants tout en luttant contre le réchauffement climatique... il y a loin du discours officiel aux actes ! Des jardins remplacés par des immeubles ou interdits au public par la présence de toxicomanes, un centre de distribution de colis dans un quartier déjà congestionné : seule la mobilisation des riverains et militants peut faire barrage à ces projets.
  • Actu

    Projet gare du Nord, retour à la case départ

    Dominique Gaucher
    En raison d’un coût exorbitant, le projet de rénovation est abandonné et doit être remplacé par un autre, au budget plus étroit, élaboré en concertation avec les acteurs publics.
  • Actu

    Déplacement des crackers : c’est ça la solution ?

    Sandra Mignot
    Riquet évacué, riverains soulagés, mais Paris pas libéré. Une nouvelle fois, les usagers de drogues sont déplacés, sans qu’une solution d’accueil soit réellement mise en place.
  • La vie du 18e

    Une “Casa” pour des mineurs en errance

    Noémie Courcoux Pégorier
    Grâce à l’initiative – notamment – d’un habitant du 18e, une trentaine de jeunes sont actuellement mis à l’abri. L’association qu’il a co-fondée s’intéresse à ceux que l’Aide sociale à l’enfance ne peut prendre en charge.
  • La vie du 18e

    Jardin contre béton, une lutte inégale

    Sylvie Chatelin
    Un petit ilôt de verdure menacé de destruction au mépris de la qualité de vie des riverains.
  • La vie du 18e

    Géologie : sous nos pieds, 40 millions d’années [Article complet]

    Sylvie Chatelin
    La géologie du sous-sol de notre arrondissement se retrouve, en partie, dans ses monuments, ses trottoirs, ses fontaines et dans son architecture.
  • Grandes Carrières

    Vent debout contre un futur centre de distribution

    Sandra Mignot
    Un centre de distribution de colis projetait de s’installer rue Désiré Ruggieri. Les riverains se sont mobilisés contre le projet. La demande de permis de construire a finalement été rejetée.
  • Grandes Carrières

    Coop cité : vivre le monde autrement

    Aline Grouès, Sandra Mignot
    La Villa des créateurs est une coopérative d’entrepreneurs qui s’est donné pour mission de favoriser le faire-ensemble, d’associer intérêt particulier et collectif, afin de créer une cohésion autour du territoire environnant la place de Clichy.
  • Évangile-Charles Hermite

    La Maison Bakhita, un nouveau centre pour les migrants

    Dominique Boutel
    A l’initiative du diocèse de Paris, les locaux de l’école du Sacré-Cœur sont devenus, sur trois étages, un centre de ressources consacré à l’accueil des migrants.
  • Goutte d’or

    Clarisse Hahn et les « princes » de Barbès

    Monique Loubeski
    Lors des récentes rencontres photographiques d’Arles le travail de Clarisse Hahn, « Princes de la rue », a été très remarqué. Ses modèles : des vendeurs de cigarettes à la sauvette campés sous le métro aérien.
  • Histoire

    Soldats américains, les dessous de la libération

    Annick Amar
    Quelques mois après l’accueil enthousiaste réservé par les Parisiens aux libérateurs venus d’outre-Atlantique, les relations avec les habitants se dégradent, faisant place à la défiance et à la colère. En cause, certains graves écarts de conduite des G.I.’s. Dans le 18e, les anciens Grands Magasins Dufayel ont servi de camp d’hébergement aux soldats américains.
  • Les Gens

    L’instinct casanier et l’esprit voyageur [Article complet]

    Magali Grosperrin, Sophie Roux
    Reconnu comme expert de l’affiche, Alain Weill a multiplié les activités et les expériences, redoublant toujours de curiosité et d’érudition. Il vient de publier un ouvrage remarquable sur l’art africain.

n° 230

octobre 2024