Un petit air de province de la Recyclerie au Hasard ludique en longeant la Petite Ceinture, qui sera notre fil conducteur.
L’ancienne gare Ornano désaffectée en 1934 a repris vie en 2014 avec la Recyclerie, lieu de vie hybride bien connu. Nous commençons ici, sur la gauche, par la rue Belliard le long du talus ferroviaire foisonnant de végétation sauvage. Derrière, on devine les anciens quais, celui de la Recyclerie, juste en bas et en face, plein sud, celui des Jardins du Ruisseau.
Sur le pont de la rue du Ruisseau, vue plongeante sur les rails, sur l’arrière de la Recyclerie et accès au jardin du même nom. S’il est ouvert, descendez-y pour une promenade bucolique au niveau des voies. Ici tout n’est que lux(uriance), calme et volupté. Et profitez-en pour jeter vos bouchons plastiques recyclables dans Polypus, « créature vertueuse » aux entrailles transparentes, les Bouchons d’amour s’en serviront pour acheter du matériel pour personnes en situation de handicap.
Petit détour champêtre par la villa des Tulipes sur la droite, impasse pavée, pleine de charme, avec ses anciennes maisons des ouvriers, ses jardinets, ses glycines majestueuses aux énormes lianes qui enjambent la ruelle et un magnifique sorbier des oiseleurs. On revient sur nos pas, on tourne à gauche et on tombe dans l’impasse Alexandre Lecuyer, qui surplombe le boulevard Ney. En face, de l’autre côté du boulevard, coup d’œil sur les fameuses habitations bon marché (HBM), les anciennes HLM.
En reprenant la rue Belliard, on croise la rue du Poteau, qui si on la descend emmène au-delà du boulevard Ney et du tram au Petit Ney, café littéraire associatif dont nous avons souvent parlé dans nos colonnes.
Sinon ici commence la promenade Dora Bruder, terre-plein central bordé d’une rangée de majestueux platanes et de grands bacs plantés entre la rue Belliard et la rue Leibniz. Inaugurée en juin 2015 par Patrick Modiano, elle conserve la mémoire de Dora, jeune fille du quartier déportée et morte, parce que juive, à Auschwitz en septembre 1942. Pour elle et pour les enfants du quartier, « ce terre-plein était un terrain de jeux qu’ils appelaient le talus », nous dit l’écrivain. On ne voit plus la Petite Ceinture qui continue son chemin invisible sous terre, nous la retrouverons un peu plus loin. Les élèves du lycée des métiers de l’hôtellerie (au n° 135), en costume noir et chemise blanche, leur vêtement de travail, se détendent adossés à deux tables de ping-pong installées à proximité. On peut sur réservation et à petit prix déjeuner dans l’un des deux restaurants d’application du lycée.
On traverse en face le square Maria Vérone (1874-1938), présidente de la Ligue française pour le droit des femmes, pour atteindre la rue Bonnet et jeter un œil à deux jolis petits immeubles et leurs mosaïques fleuries (aux n° 21 et 35).
Un peu plus loin sur la gauche, le collège Hector Berlioz à l’entrée de la rue Georgette Agutte et son curieux portail « aux allures de petite maison en brique ».
On passe devant l’église évangélique du Tabernacle avant d’arriver au n° 185 devant l’hôtel Deneux construit en 1913 par Henri Deneux. Au-dessus de la porte d’entrée, un architecte est représenté à sa table de travail avec compas et équerre. Magnifique immeuble de trois étages orné de carreaux de grès flammés dans des tons bruns et bleus et surplombé d’une terrasse arborée, il constitue le clou architectural de cette promenade.
Encore quelques mètres et nous voilà arrivés à notre deuxième gare, celle de Saint-Ouen, fermée elle aussi en 1934, occupée depuis 2015 par le Hasard ludique, autre lieu hybride, où l’on peut descendre sur les quais boire un verre pour clore cette balade . Au-delà, c’est le 17e arrondissement. •
Photo : Jean-Claude N’Diaye