Rue Affre est installé depuis peu un « fit truck », une salle de sport mobile destinée aux femmes. Sa fondatrice, Assitan Keita, raconte cette belle aventure made in Goutte d’Or.
Il est maintenant admis par tous que l’exercice physique est essentiel pour garder la forme et se sentir bien dans sa peau. Tout le monde est appelé à se bouger. Sauf qu’entre l’injonction et la mise en œuvre, il y a souvent un fossé que certains tentent de combler.
C’est le cas d’une jeune trentenaire, Assitan Keita qui est née et a grandi à la Goutte d’Or, où elle a trop souvent vu les mamans du quartier, incapables de s’autoriser, dans un emploi du temps très chargé, le moindre moment à elles pour faire un peu de sport. Alors, avec des copines du quartier, elle a créé l’association Motivea qui, selon les mots de sa fondatrice, vise à « faciliter l’accès au sport pour les femmes ». Mais comment cette idée a-t-elle émergé ? D’abord de l’expérience d’Assitan qui explique la genèse de ce projet : « Quand j’étais à l’école primaire de la rue Richomme, j’ai découvert le basket grâce à la visite d’un coach du Paris basket 18. Cela m’a permis d’intégrer la section sport-études au collège Gérard-Philipe. »
Place aux mamans
À côté du sport qui lui a donné « un cadre et une discipline », Assitan est attirée par deux autres univers : l’architecture et, grâce à une intervenante très appréciée au collège, l’animation. « J’ai toujours voulu concilier ces trois objectifs », résume celle qui a s’est formée en alternance dans une agence d’architecture spécialisée dans le design intérieur. Mais toujours attachée à garder un pied dans le social, elle obtient le brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS).
Assitan construit son projet sur une « révolte ». « Dans le quartier de la Goutte d’Or, il n’existait pas de structure sportive adaptée aux femmes, notamment avec des solutions de garde pour les enfants., explique-t-elle. De plus, dans l’inconscient collectif, une mère a peu de temps pour elle et ne va pas, à priori, pratiquer un sport. » En témoigne l’histoire de sa propre mère qui « s’est oubliée pour ses enfants. » Pour mieux mesurer ce besoin sportif, un questionnaire a été proposé dans le quartier et à l’extérieur. Trois cents réponses ont été recueillies. Massivement, les femmes regrettent qu’il n’y ait pas un lieu qui leur soit adapté, couplé avec une solution de garde des enfants. Le manque de logistique et les problèmes financiers sont également cités comme des obstacles à la pratique sportive.
Le sport mobile
Sur ces bases, en 2015, cinq copines du quartier, emmenées par Assitan, créent Motivea. Très vite, l’association propose aux femmes de la Goutte d’Or diverses activités comme le foot, le basket, la boxe ou le fitness. Le projet se construit avec beaucoup d’enthousiasme et peu de moyens (tout le monde est bénévole). « Pendant ces années, nous avons accompagné environ 300 foyers, certaines femmes parcourant jusqu’à 45 km pour participer », raconte Assitan. Les débuts concluants donnent des ailes à Motivea, avec l’envie d’aller vers les personnes ciblées. Mais pour ça, il faut se déplacer.
Grâce au budget participatif, la structure obtient un financement important permettant d’acheter un camion d’une surface de 15 m2. A l’intérieur, cinq personnes peuvent être accueillies pour une séance de sport. Ce « fit truck » est accompagné d’un autre petit camion destiné à la prise en charge des enfants pendant que les mamans font du sport. S’ajoutent dans la flotte deux camions chargés de tracter les deux trucks. « Depuis juillet dernier, nous disposons de la première salle de sport mobile, ouverte aux femmes de 18 à 70 ans. Pour l’instant, nous intervenons dans trois quartiers du 18e : Goutte d’Or, Marx Dormoy et La Chapelle. Bientôt, nous irons à la porte de Montmartre. Nous ciblons les bailleurs sociaux, les collectivités et les entreprises. »
Dans l’immédiat, le fit truck est installé pendant trois mois rue Affre, sur le terre-plein en face de l’église et propose une ouverture quatre à six fois par semaine. À terme, la montée en puissance des financements devrait permettre d’emménager dans un local et de sortir du tout-bénévolat.
En attendant, quand elle mesure le chemin parcouru depuis qu’elle a découvert le basket à l’école Richomme, Assitan est reconnaissante : « Il y a beaucoup d’amour à la Goutte d’Or. Sans les responsables associatifs qui m’ont aidée, je n’y serais pas arrivée. »
Photo : Maxime Renaudet