Journal d’informations locales

Le 18e du mois

décembre 2024 / Dossier : Un toit pour tous ? Toujours dans l’impasse

interdiction de camper

par Maxime Renaudet

Alors que les Jeux sont derrière nous et que l’hiver approche, les tentes et les campements de fortune refont peu à peu surface, même si les interventions policières et les envois en région se poursuivent.

Presqu’un an après avoir alerté sur le nettoyage social en vue des Jeux olympiques et paralympiques (voir notre n° 322), Le Revers de la médaille a établi un second bilan à la suite d’observations effectuées entre fin mai et fin septembre 2024. Selon le collectif, outre le fait que les places d’hébergement d’urgence créées pour l’occasion n’étaient pas suffisantes et souvent « déployées dans des logiques utilitaristes (...) les rues de Paris ont été vidées des personnes en grande précarité. »

Le 18e n’y a pas échappé puisqu’il était terre d’accueil d’un site olympique : l’Arena de la porte de La Chapelle. Dans le quartier, les expulsions ont débuté dès novembre 2019, quand les campements autour de la porte ont été expulsés et les réinstallations empêchées. En 2022, au moins trois expulsions ont eu lieu sous le métro aérien entre La Chapelle et Stalingrad. Le 27 octobre, cela concerne 635 personnes, le 17 novembre : 956 et le 16 décembre : 771. Puis à partir de 2023, à la veille des Jeux, les forces de l’ordre ont fait place nette. « À La Chapelle, contrairement à d’autres campements, depuis 2023, la police intervient dès qu’une tente est déployée, à part à des micro-moments, explique Oriane Sebillotte, doctorante en géographie à l’EHESS. Il y a même eu une période durant laquelle les personnes se faisaient réveiller tous les matins entre 5 h et 7 h par la police nationale ou municipale qui leur disait de partir. Ils partaient pour la journée et revenaient la nuit, toujours sans pouvoir déployer de tente. Résultat, ils étaient beaucoup moins visibles dans le quartier alors qu’ils étaient bien là pour dormir. » Parmi eux, des exilés, des familles, ou des mineurs, mais aussi des travailleuses du sexe, comme celles de l’avenue de la porte des Poissonniers, qui ont signalé avoir reçu moultes amendes pour stationnement gênant, « allant jusqu’à huit contraventions pour l’une d’entre elles ».

Où sont les gens ?

Aujourd’hui, alors que les JOP sont derrière nous, les interventions policières se poursuivent. Selon Oriane Sebillotte qui enquête depuis des années sur les campements de migrants à Paris, « quelques tentes ont été installées ces dernières semaines au skatepark de La Chapelle avant d’être enlevées dans la journée. » D’autres, une petite vingtaine, installées rue Jean Cocteau, sont réapparues quelques jours après le départ des pompiers et des CRS qui stationnaient là pendant la compétition. Malgré ça, il semblerait que le nombre de remises à la rue post-JOP ne soit pas si important que ça pour l’instant. « La question c’est : où sont les gens ? se demande Oriane Sebillotte. Car il y a de nouvelles arrivées, c’est sûr mais il y a beaucoup moins de monde que ces dernières années. On a l’impression que les remises à la rue se font plus graduellement, ce qui rend plus compliqué de savoir qui vient d’arriver, qui a été remis à la rue, et ce que ça représente en nombre de personnes ».

Quoiqu’il en soit, alors que l’hiver arrive, le nombre de personnes dans nos rues sera encore bien trop important. Ce qui désole une de nos lectrices, Michèle Fong, qui nous a écrit, peinée d’observer le triste sort qui leur est réservé :
« 4 novembre 2024, rue Maxime Lisbonne. En haut de la pente pavée, trois policiers, un karcher. Il y a des tags à nettoyer. La petite tente de couleur neutre, a disparu. De sous le porche, il faut préciser. Un peu plus bas, une femme, juste un peu corpulente, entre deux âges, se tient debout, tournant le dos. Elle tient sous son bras un gros bloc de mousse, de la taille d’un matelas, un tissu bleu étoilé, un sac. Elle est immobile, l’air pensif. Je passe. Je comprends ce qui se passe, ou plutôt, je ne le comprends pas. À ce moment-là, elle fait volte-face, gravit la pente d’un pas décidé, avec son matelas sous le bras, laissant tomber son tissu. Le lendemain, je la retrouve à l’endroit même d’où elle s’était retournée, allongée sur son matelas, avec son tissu bleu étoilé. Pas de trêve hivernale pour les SDF ? »

Illustration : Oriane Sebillotte

Dans le même numéro (décembre 2024)

  • Au sommaire

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