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septembre 2021 / Simplon

Halaye, une association à l’aide des naufragés du numérique

par Stéphane Bardinet

Pour lutter contre l’illectronisme, l’association Halaye propose des formations aux personnes les plus éloignées des nouvelles technologies. Une démarche de proximité soutenue par Pôle emploi et les bailleurs sociaux.

Ce matin, dans les nouveaux locaux de l’association Halaye, une chercheuse d’emploi envoyée par son agence Pôle emploi suit une formation individuelle à la pratique de l’ordinateur pour effectuer ses démarches en ligne. « Maintenant que ton CV est rédigé, tu fais enregistrer… Comme type de fichier, choisis la version MS Word 2007… Te souviens-tu du mot de passe pour accéder à ton espace personnel de Pôle emploi ? Non ? Ce n’est pas grave, nous allons le recréer ensemble. Reviens lundi et nous passerons deux heures à travailler sur tout ça. » La trentenaire se prépare à quitter le bureau, rassurée. Elle donne son chèque Aptic1 de 10 €, reçu de Pôle emploi, pour payer la séance. Elle reste encore dix minutes pour se confier sur ses problèmes de mère isolée avec un fils de 16 ans, accro aux jeux électroniques, qui passe toutes ses journées devant un écran et avec lequel la communication est très difficile. Anna, la directrice de l’association, la rassure comme elle peut et lui prodigue des conseils pour briser son isolement face à cette situation angoissante. En fait, tout ce qui touche à la vie numérique est source d’inquiétude pour elle. « Je n’ai pas d’ordinateur à la maison, je ne sais pas m’en servir. Avec mon téléphone, je clique oui/non/confirmer, mais c’est tout. Même dans ma recherche d’emploi, j’insiste pour que les offres de postes qu’on me présente ne nécessitent pas l’usage d’un ordinateur. Merci pour votre aide, Halaye. »

Apaiser les angoisses

Depuis le début de l’année, l’association partage avec d’autres un nouveau local mis à disposition par Paris Habitat dans le quartier Simplon. Elle emploie aujourd’hui près de trois salariés (2,8 équivalents temps plein). « Avec nos opérations pas-de-porte, nous avons inventé “l’aller vers” bien avant le confinement ! » Aller vers, une expression qui fait fureur dans le milieu du social depuis la crise du Covid et qui résume la démarche des travailleurs sociaux pour toucher leur public en dépit de la fermeture ou de la désaffection des locaux dédiés. Les opérations pas-de-porte consistent à investir les locaux communs en pied d’immeuble et de proposer des sessions de deux heures de formation gratuite pendant deux semaines pour les résidents. « Nos opérations ont séduit les bailleurs sociaux, car la dématérialisation des procédures administratives entraîne aussi beaucoup de difficultés avec les locataires », insiste Anna.

Aujourd’hui, ICF Habitat, Paris-Habitat ou encore la RIVP font appel à Halaye dans le 18e et le 19e. Mais l’association travaille aussi avec les agences Pôle emploi de la rue Maurice Genevoix et du boulevard Ney. En effet, l’illectronisme handicape sérieusement une frange importante des demandeurs d’emploi alors que les formalités et les recherches d’annonces sont aujourd’hui surtout accessibles en ligne. Face aux difficultés des plus rétifs ou des moins capables, les agences Pôle emploi offrent cinq séances d’une heure de formation individuelle chez Halaye, à l’usage des ordiphones ou des ordinateurs. Autant un moyen de s’approprier les outils électroniques que des moments de discussion libre pour apaiser les craintes et les angoisses.

Une énergie à hauteur de la tâche

Halaye est financéepar les bailleurs sociaux pour les prestations fournies aux résidents et aux chèques Aptic que reçoivent les chercheurs d’emploi de leur conseiller. Cette année, entre les passages au local et les opérations pas-de-porte, près de 200 personnes ont ainsi été formées à la bureautique, à la sécurité informatique ou encore à la rédaction de CV et réponse aux annonces. Bien sûr, beaucoup reste à faire lorsqu’on sait que l’illectronisme touche près de 13 millions de nos concitoyens.

Mais, de rendez-vous auprès des institutionnels en ateliers individuels, Anna Mbengue-Laumann, fondatrice et porteuse du projet, court toute la journée et rien ne semble pouvoir entamer l’énergie et la détermination de cette Sénégalaise d’origine. Halaye est déjà passée au haut-débit. •

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