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janvier 2024 / Les Gens

Gabriel Duménil, une âme de justicier

par Annick Amar

En venant s’installer il y a plusieurs années dans le 18e, Gabriel Duménil, avocat engagé, a trouvé un territoire en accord avec sa philosophie de vie.

« Tout petit déjà, j’avais une détestation viscérale de l’injustice ; j’ai toujours voulu être le soutien de la personne seule face à la masse. Cette personne que l’on accuse, est-elle si différente de moi pour qu’elle soit abandonnée à son sort ? » explique Gabriel Duménil, bientôt 34 ans, lorsqu’on lui demande pour quelle raison il a voulu devenir avocat. Il se souvient aussi d’une émission télévisée des années 90 qui présentait des procès fictifs. Grâce à elle, il a appris à apprécier la puissance de la parole et le fait que les mots peuvent se transformer en actes. Il déclare alors à sa mère : « Je veux être avocat ! ».

Bienvenue dans le 18e

Issu d’un milieu favorisé, avec un père professeur dans une école de commerce et une mère psychologue, il a grandi à La Celle-Saint-Cloud, dans les Yvelines. Après un bac littéraire, il se dirige vers des études de droit à la fac de Versailles-Saint-Quentin, où il tombe amoureux de la discipline. Un coup de foudre presque similaire à celui qu’il a pour le 18e, où il a emménagé il y a quelques années avec sa femme, médecin généraliste et urgentiste dans l’arrondissement. « Pour nous, le 18e a été une véritable révélation, avoue-t-il. Son melting pot, son côté village… Nous avons vraiment eu le coup de foudre pour cet arrondissement. » En dépit du peu d’espaces verts pour se promener avec leurs deux petites filles, sa compagne se plaît elle aussi, même si elle est confrontée à « des situations de vie, parmi ses patients qui vivent dans le 18e depuis des générations, que la plupart des gens ne s’imaginent même pas ! » ». Dans certains cas, son mari lui est de bon conseil et peut éventuellement orienter ses patients qui ont un problème d’ordre juridique. En dehors du travail, il profite un maximum de son arrondissement d’adoption, qu’il arpente à pied depuis qu’il a vendu son scooter. Amateur de bricolage et de décoration, il apprécie aussi tout particulièrement les restaurants et les bars, que ce soit Le Ruisseau, « sa petite madeleine de Proust », Le Café Pastis ou La Timbale.

Toujours se battre

Son installation dans l’arrondissement n’est pas due au simple hasard des circonstances : son cabinet, qu’il a fondé avec son confrère devenu ami, Marc Bailly, rencontré lors d’un concours d’éloquence en 2017, est situé rue des Moines dans le 17e, tout près du palais de justice de la porte de Clichy. Leur clientèle est variée : des personnes impécunieuses qu’ils aident pro bono, aux chefs d’entreprise et sociétés cotées. « Nous défendons également des grands-parents dont les petits-enfants sont ou ont été retenus dans des camps, en zone irakienne ou syrienne. Lorsque ces enfants sont enfin rapatriés en France, c’est particulièrement émouvant. » Leur cabinet traite, en effet, du contentieux pénal et des affaires ainsi que de terrorisme, d’ultradroite ou de djihadisme. Diplômé d’un doctorat en droit à Panthéon-Assas Paris II, Me Duménil est par ailleurs chargé de cours magistral à l’université Paris-Sud. « Le droit est, par essence, un sujet d’étude perpétuel, j’adore la transmission et la recherche juridique, confie-t-il. Des centaines de lois sont créées chaque année, il est donc fondamental de pouvoir analyser leur impact sur nos vies et de chercher à les améliorer. » Ce qu’il aime particulièrement dans son métier ? Le fait d’être libre et son utilité sociale. C’est pourquoi il ne comprend pas vraiment la déclaration, teintée d’humilité, de pessimisme ou de fatalisme d’un de ses illustres prédécesseurs, Me Emile Pollak, avocat notamment, de Gaston Dominici et de Pierre Goldman, selon laquelle l’avocat ne sert à rien car tout accusé a son destin judiciaire déjà écrit. « Même si dans nombre de cas, on a l’impression d’être inutile, une seule affaire suffit à renverser la table, à sauver une vie, s’exclame-t-il. Pour moi, il faut toujours se battre, sinon, il faut raccrocher sa robe ! »

Derrière les effets de manche

Véritable symbole de la profession, la fameuse robe d’avocat coûte entre 400 € et 1 300 €. « Ce sont mes parents qui m’ont acheté ma première robe, juste avant ma prestation de serment, à 23 ans, et je les en remercie car ce n’est pas donné », reconnaît Gabriel Duménil. Une tradition veut qu’un avocat n’ait que trois robes dans sa vie. La première dans laquelle il prête serment, la deuxième avec laquelle il gagne sa vie et la troisième dans laquelle il sera enterré. La deuxième, Me Duménil l’a portée de 2013 à 2019 pour le compte du cabinet français Lafarge associés, avec lequel il a travaillé sur d’importantes affaires criminelles, financières et politiques. Elle l’a logiquement suivi quand il a cofondé en 2019 le cabinet YL, avec qui il est intervenu dans plusieurs affaires très médiatisées. En effet, il a participé à la défense de Willy Bardon, condamné fin 2023 à 30 ans de réclusion pour l’enlèvement, la séquestration, le viol et la mort d’Élodie Kulik, mais aussi à celle du violeur de la forêt de Sénart, et à celle d’Antoine D., interpelé en 2018 avec les Barjols, lesquels fomentaient un attentat contre Emmanuel Macron. Autant d’affaires difficiles à mener tant sur le plan pénal que médiatique, mais qui permettent à Gabriel Duménil d’être le fameux soutien de la personne seule face à la société.

D’ailleurs, quels conseils donnerait-il aux jeunes qui voudraient embrasser cette profession si difficile ? « D’abord, je les féliciterais parce que c’est un métier passionnant et magnifique, répond-il d’emblée. Ensuite, je leur conseillerais de travailler car être avocat, c’est connaître son dossier mieux que quiconque afin de défendre efficacement son client, ce n’est certainement pas que des effets de manche ! ».

Photo : Thierry Nectoux

Dans le même numéro (janvier 2024)