La RIVP vient de racheter neuf appartements dont les locataires étaient menacés d’expulsion par un promoteur aux méthodes abusives
Neuf familles à demi soulagées. Lors d’une réunion à la mairie du 18e, elles ont eu enfin confirmation que leurs appartements étaient rachetés par la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP). Une décision en Conseil de Paris a validé leur transformation en logements sociaux et logements à loyers abordables. Tel est l’épilogue de l’infernal rachat des immeubles montmartrois des 13 rue Lepic, 2 rue Robert Planquette et 5 rue Houdon. « On est ravi que ce promoteur disparaisse de nos vies », résume une des habitantes des bâtiments rachetés par le groupe Cherpantier. « Personne ne voulait partir, poursuit-elle. Quand vous avez vécu 28 ans dans le même appartement, avec l’augmentation du coût des loyers que connaît la capitale, c’est impossible de se reloger à un prix équivalent. »
Les trois immeubles avaient été acquis en 2020 par un promoteur immobilier dont l’objectif était de rénover l’ensemble des appartements et commerces, afin de revendre le tout « à la découpe » en réalisant une plus-value non négligeable. Pour ce faire, il lui fallait évincer les occupants. Le promoteur s’était donc employé à faire fuir les Montmartrois : menaces verbales ou physiques, coupures d’électricité, d’eau ou d’internet, travaux et nuisances sonores incessants, mise hors service des sanitaires installés sur le palier, etc. (lire notre n° 298). Certains sont partis, acceptant de modestes indemnités, ou se laissant reloger dans des appartements aux prestations inférieures.
Une résistance payante
Mais d’autres ont fait montre de ténacité. Quelques irréductibles comme Stéphane Cachelin, restaurateur exploitant de La Midinette, rue Robert Planquette, ont fait grand bruit. Son établissement avait été rendu inaccessible par des travaux de désamiantage réalisés en dehors des règles de sécurité. Le restaurateur avait saisi le procureur de la République en avril 2022 pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Deux autres occupants s’étaient également lancés dans des actions en justice. L’un déposant plainte pour harcèlement moral, l’autre intentant une action civile pour trouble de jouissance locative. Enfin, l’Association des comités de défense des locataires (ACDL*) s’était également invitée dans le dossier, afin de tenter de sauver ce qui pouvait l’être.
Benoît Filippi, porte parole de l’ACDL, note que la Ville n’a pas réagi suffisamment tôt pour préempter les bâtiments. « Même si depuis cet épisode elle a remusclé sa stratégie de veille », précise-t-il. « Avec Vienne et Amsterdam, Paris est l’endroit où l’on investit le plus en faveur du logement social, mais ça ne suffit pas. » Il regrette aussi que les habitants n’aient pas contacté plus rapidement une association afin d’être mieux informés. « Il existe en effet un canevas de droit au profit des locataires qui n’est quasiment jamais respecté par les acheteurs et qui aurait pu empêcher bien des départs. »
Au-dessous des prix du marché
L’ensemble de ces actions, et la mobilisation finale des élus du 18e, a néanmoins permis d’instaurer un rapport de force qui a conduit le promoteur à revendre les neuf derniers appartements occupés à un tarif « très au-dessous des prix du marché » selon Ian Brossat (à l’époque, adjoint PCF à la maire de Paris chargé des questions relatives au logement). Il faut ajouter à cela la qualité médiocre des travaux réalisés dans les trois bâtiments. « Les immeubles sont devenus très bruyants, nos fenêtres ont été remplacées par d’autres qui isolent moins bien, il y a même des trous dans les murs entre plusieurs appartements », explique un habitant de la rue Houdon. A tel point que certains acheteurs des appartements rénovés auraient déjà revendus ou mis en location leur bien.
Ainsi, il reste de nombreux travaux à réaliser – désormais à la charge de la RIVP ou du nouveau bailleur qui gèrera ces logements – pour que les habitants retrouvent leur sérénité. Stéphane Cachelin a pourtant bien l’intention de faire revivre son restaurant tel qu’il était, malgré les difficultés financières qu’il rencontre depuis cette mésaventure. « Un investissement sera nécessaire pour racheter les équipements de cuisine qui n’ont pas fonctionné durant trois ans et remettre l’établissement en état, mais on fera une grande fête », espère-t-il visant septembre 2024.