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décembre 2023 / Goutte d’Or

Elsa Noyons raconte la Goutte d’Or en cartes

par Véronique Soulé

« Déplier l’ordinaire », quel joli titre donné à ce livre d’artiste ! L’ouvrage est une invitation à découvrir le quartier en utilisant la cartographie et l’inventaire comme fil conducteur.

Composé de « cartographies narratives », comme Elsa Noyons les nomme, ce grand ouvrage aux pages soyeuses est le résultat d’un minutieux travail d’observation, d’enquêtes et de déchiffrage du quartier de la Goutte d’Or, qu’elle a mené entre 2018 et 2020. Munie d’un criterium, l’œil affûté et la main précise, elle a réalisé une soixantaine de cartes, comme autant d’inventaires de ce qui constitue, à ses yeux, la singularité de ce quartier où elle a vécu plusieurs années, les choses vivantes et tangibles comme les choses invisibles qui y cohabitent.

De ces cartes se dégagent page après page différentes narrations, à travers ses trajets quotidiens, les logements de ses amis, les lieux de ses plus belles rencontres, mais aussi les lieux décrits dans L’Assommoir d’Émile Zola, les lieux stratégiques de la Commune de Paris en 1871, ceux des morts violentes depuis 1885, des heurts sanglants avec la police, des caméras de surveillance, des regroupements masculins ou, plus poétiques, les frontières invisibles, le chemin du soleil, l’emplacement des arbres (et leurs espèces), les oiseaux, les jeux des enfants, les fêtes, etc.

Les espaces et la géographie nous relient

Aux perceptions sensibles de l’intime se conjuguent celles d’une approche sociale, collective, historique de la Goutte d’Or. « Dans mes projets artistiques, je m’engage toujours avec le corps, en créant des situations pour répondre à des questions que je me pose, liées à l’exploration et au territoire, à la façon dont les espaces et la géographie nous relient ou nous transforment », explique Elsa Noyons. « Pour ce projet-ci, j’ai eu envie de travailler sur l’habitat et la façon dont les habitants du quartier perçoivent cet environnement très dense. Par exemple, j’étais curieuse d’en connaître les espaces verts, même minuscules, les noms des arbres, les oiseaux ou les plantes qui y poussent, tout autant que les façons dont les gens circulent dans les rues ou vivent ensemble.  »

L’idée d’en faire un livre n’est pas venue tout de suite. L’artiste a d’abord entamé une recherche d’observation sans savoir à quelle forme elle aboutirait. Comme l’avait fait François Maspéro pour son livre Les Passagers du Roissy-Express (Seuil, 1990), qui l’a influencée, il s’agissait d’observer le proche comme s’il était lointain, « en dépliant les couches multiples de cet espace », à travers le temps, l’histoire, les expériences de chacun, en interrogeant de nombreuses personnes. Les dessins originaux et gravures, d’un format plus grand que ceux reproduits dans le livre, ont été exposés chez Les Libraires associés en 2020, puis quelques-uns d’entre eux à l’Institut des cultures d’islam, l’été dernier, dans le cadre de l’exposition « Détours d’un quartier monde ». La première édition (épuisée), sous forme d’un recueil de calques, permettait de superposer les cartes et de créer son propre ordre de lecture. Cette nouvelle édition, classée par thème, invite à une exploration différente mais toujours aussi poétique et sensible. •

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