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novembre 2022 / Les Gens

Céleste Bollack, une artiste dans les étoiles

par Noémie Courcoux Pégorier

Porteuse d’un prénom évocateur, Céleste Bollack, 51 ans, artiste peintre est passée du 16e au 18e arrondissement avec bonheur. De la Butte à Marx Dormoy, récit d’une vie entière dédiée à la création.

Pleine d’énergie avec une propension à faire apparaître et valser les étoiles, Céleste Bollack offre spontanément de rencontrer les personnes et les décors qui font sa vie. Car, elle l’annonce d’emblée : « On rentre dans ma vie, on rentre dans mes œuvres, on rentre dans ma toile ». Le ton, le tempo sont donnés.

Années de jeunesse

Jeune, elle fréquente déjà un peu notre arrondissement car l’ambiance de son enfance dans le 16e ne la stimule guère. Elle y vient « s’encanailler rue des Martyrs avec celui qui sera le papa de ma fille », recherchant « l’émancipation du giron familial » qui, même s’il la porte, ne donne pas matière à ses velléités d’expression singulière. Sa mère, Sofi Bollack-Klarwein, issue d’un milieu artistique, est artiste, muse, styliste et peintre. Fanny Lasserre, grande amie de Céleste, raconte : « Pour moi, petite, c’était étonnant. La porte était toujours ouverte, un univers très coloré régnait chez elle, elle tirait les tarots… »

Dessinant « depuis toujours », Céleste se raconte « choquée, en pure rencontre esthétique », à 14 ans, lors d’une rétrospective expressionniste. Dès lors, elle nourrit une croissante admiration pour Kirchner, Otto Dix, Matisse, Chagall, Van Dongen et Munch, étudie les arts appliqués puis fait les Beaux-Arts et, diplômée à 25 ans, expose et vend ses œuvres.

Amitié et maternité

Son amitié avec Fanny, nouée au lycée Molière, reste vive durant cette période. Lorsque celle-ci quitte Paris, elles s’inspirent l’une l’autre de loin pendant dix ans. Leur amitié porte des fruits en 2012 avec une collaboration sur « Je ne m’appelle pas Ethel Katz » conte illustré, hommage aux victimes de l’Holocauste, librement inspiré du Journal d’Anne Frank qui les toucha toutes les deux beaucoup.

En 2000, peu avant la naissance de sa fille, Céleste s’installe au 50 rue Caulaincourt, sa première adresse dans le 18e. Elle savoure la vie de ce quartier si vivant qui l’enchante : « J’ai adoré, la poussette sur les pavés, les premiers pas d’Apollonia sur la Butte » se rappelle-t-elle. Mère célibataire, elle est confrontée aux aléas économiques de la vie d’artiste. « Plus les enfants grandissent, plus ça coûte cher » déclare-t-elle, laconique. « Et il y a Olga » (sa chienne qui ne la quitte pas), mais peu de rentrées d’argent.

Alors, toutes trois déménagent en 2014 vers le marché de l’Olive, où Céleste saisit la diversité de l’arrondissement. Elle note « avoir connu le 18e du haut, car il y a un 18e du haut et un 18e du bas, plein de micro-quartiers. ». Elle trouve son nouvel environnement plus authentique que le « 18e carte postale, où on était entre nous », et aspire à « plus de mixité » entre ces micro-mondes. Elle a retrouvé des repères « en bas » : la Librairie du Rideau rouge, Bob’s Kitchen ou le marché de l’Olive, qu’elle vante comme des espaces où des rencontres amicales réelles sont possibles, dotés d’un cachet qui la charme. Elle a aussi conservé quelques attaches en « haut », comme son vidéo-club.

Professeure louée par ses élèves

Depuis 10 ans, Céleste Bollack donne des cours d’arts plastiques au sein de Paris-Ateliers. Annie Martinez, l’une de ses élèves, raconte la fantasque et « formidable » professeure, « Céleste est très créative, hors cadre, elle est très vivante. Parfois, ça va dans tous les sens mais toujours avec un fil conducteur qui nous parle, et nous met en confiance dans chacun de nos projets. Elle nous booste et répète “allez-y, créez, vous pouvez”. Et, autant elle peut se montrer volubile, autant elle sait se mettre dans son coin et nous laisser, tout en ayant l’œil ». Fanny, qui fut son élève pendant un an, la décrit comme « non-dogmatique, qui encourage à aller puiser ce qu’on a envie d’explorer et d’exprimer » et souligne que l’art proposé par Céleste « incite à traduire l’intime dans les œuvres, délivre une vision de l’autre, empreinte de son esthétisme personnel ». Toutes les deux mentionnent le climat « passionné, joyeux, pointu » de ses cours. Céleste confie y répéter : « Le bonheur, c’est quand ça marche, qu’il n’y a pas de heurts, quand ça s’épouse, se mélange. »

Sa part d’enfance

Nicole Coudert, propriétaire de la galerie AVM, l’a rencontrée en 1998 accompagnée de Georges Detais (Paris) et Max Bollag (Zurich), marchands d’art dont elle était la jeune protégée, et experts de la figuration narrative, à laquelle se rattachent ses œuvres. Nicole parle de Céleste comme quelqu’un de « secret, avec une part d’enfance, d’insolence de l’enfance, d’impatience », qui « va à l’assaut » de ce qu’elle croque dans son art. Elle lui voit un « potentiel extraordinaire, capable d’expressivité partout », qui trouve « sa liberté » en elle-même lors de ses heures à l’atelier. « Elle a un côté essoufflé dans la vie, que j’aime, continue-t-elle, infiniment attentive aux détails. »

Thomas Lestavel, son compagnon depuis dix ans, la raconte, créant « à un moment, n’importe lequel, très anodin souvent, et capturant le moment, le mouvement. Elle a un œil photographique très à elle. Quelque chose apparaît soudain, qui la séduit esthétiquement, et elle l’enregistre. De là, elle va construire un thème, un motif, un fil rouge, sur lequel elle se concentre intensément un certain temps. » Fasciné par son travail, il y trouve « une chaleur sincère, une grande dimension incarnée des personnages, une sensualité des gestes ». Elle représente « l’intime personnel, avec élégance » » poursuit-il.

Un nouvel élan

« Quand les enfants sont plus grands, c’est comme une nouvelle adolescence » observe désormais l’artiste, « un nouvel essor ». Elle cite Georges Detais et Mme Micha, une de ses professeurs aux Beaux-Arts qui « l’ont fabriquée » alors qu’elle sortait d’école. « Mais ils ne sont plus là aujourd’hui, alors j’ai à re-décoller toute seule. » Cet automne, pour la première fois, elle a exposé des gravures, une série intitulée La pièce manquante, à la galerie AVM.

Profondément animée de l’intérieur, c’est en rencontrant les gens que Céleste se trouve et réalise ses œuvres, « ce sont les gens qui font les lieux », clame-t-elle.

Photo : Vincent Noye

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