Journal d’informations locales

Le 18e du mois

Abonnement

FacebookTwitter

janvier 2020 / Culture

Le 360, la jeunesse du futur [Article complet]

par Dominique Boutel

Le public va enfin découvrir le 360 Paris Music Factory, nouveau lieu consacré aux musiques transculturelles. Rencontre avec son fondateur, Saïd Assadi, qui entend proposer une nouvelle approche de la culture.

« Mon idée de départ n’était pas de construire, mais de louer un lieu où rassembler tous les maillons de la chaîne, de la conception à la diffusion, pour plus de confort et de qualité pour les artistes, avec moins de dépenses », résume Saïd Assadi, également à l’origine du label Accords croisés. Ce souhait débouche, dix ans plus tard sur... un immeuble neuf. Le bâtiment, à la blancheur éclatante, ouvert sur la rue et le quartier par de larges baies vitrées, se dresse au carrefour des rues Léon et Myrha.
Il s’organise autour de deux lieux, le restaurant en bas et la salle de spectacle au premier étage. Cette dernière est pensée pour le son : hauteur sous plafond de huit mètres, accueil du public modulable (300 places debout ou 180 places assises en comptant les balcons) et surtout, un son « immersif », un bijou technologique que seule cette salle peut proposer pour le moment. C’est une volonté de Loïs Ognard, qui gère ces deux espaces, de restituer non pas un son artificiel ou « variété » mais d’être au plus près des formations, de l’intimité d’un duo kora-piano, à la « sauce » d’un ensemble de quinze musiciens. Y seront associées une installation vidéo permettant des « live » et une cabine de prise de son.

Modèle économique innovant

Autour de ces deux pôles, un studio d’enregistrement et de répétition au sous-sol, des salles de travail et des incubateurs axés sur les résidences d’artistes et le digital au troisième. Le tout complété par quatre studios d’hébergement de musiciens résidents au quatrième et le roof-top, avec jardin et vue sur le Sacré-Cœur.
Cette architecture répond au projet artistique : inventer un lieu s’adaptant aux besoins des artistes émergents, venus de toutes les cultures, et diminuer, par la concentration des offres, le coût de la production. « Dans les années 1990, l’intérêt était la découverte des cultures d’autres peuples. Aujourd’hui cette stratégie ne répond plus aux manques que l’on observe dans nos sociétés. Ces politiques ont renforcé les communautarismes. On y répond par l’assimilation, la demande d’oublier son appartenance. La transculturalité que nous revendiquons, c’est la rencontre entre artistes d’horizons différents, sans dominants-dominés, pour se poser la question du devenir de la musique, hors du référencement du marché. »
Pour Saïd Assadi, il faut donc créer un modèle économique innovant entre les deux modèles actuels : modèle public – aujourd’hui en difficulté – et qui ne parvient plus à répondre à la diversité des propositions ; modèle commercial, aux mains des grands groupes qui provoquent une concentration favorisant exclusivement les têtes d’affiches. « La culture joue un rôle important dans la cohésion sociale », affirme Saïdi. « Nous, la société civile, pouvons proposer un troisième modèle, basé sur l’entrepreneuriat et convaincre les pouvoirs publics d’accompagner ce genre d’inventions. »
Cette nouvelle chaîne de production de la culture est organisée en SCIC, société coopérative d’intérêt collectif ; elle regroupe le label et la maison de production, La Fabrique à spectacle, le festival Au fil des voix et le studio 360. Les salariés y sont mutualisés aussi pour réduire les coûts. Les artistes dont le projet sera soutenu par le 360 trouveront dans la résidence les outils de production mais aussi un restaurant, des chambres, des moyens de communication, réduisant ainsi les durées, les externalisations et donc les frais.

Diversité de la création

Par ailleurs, le restaurant devrait devenir l’un des sas qui permettra à différents publics de s’emparer du lieu : ouvert de midi à minuit, il proposera, selon le souhait du chef Sylvain Zabeth, une cuisine populaire, « éco-responsable et raffinée », aux saveurs orientales ou asiatiques, en circuit court, en écho avec la programmation et à un tarif préférentiel pour les habitants du 18e. Des chefs venus d’autres cultures pourront innover, par exemple avec la création d’un brunch africain et des formations seront proposées dans un but d’insertion : commis de cuisine, serveur ou même « barista », en coopération avec les associations locales.
Selon Saïd Assadi, ce sont les artistes, toujours à l’avant-garde, qui montrent le chemin de la rencontre à travers leur capacité à créer ensemble : « Il est temps d’intégrer la diversité de la création dans notre société européenne ; on est perturbé face aux problèmes de la jeunesse, aux expressions violentes, aux formes de repli sur soi… Il est important que les lieux culturels comme le nôtre puissent se développer dans les quartiers, en lien avec la population et prendre les risques nécessaires pour une transformation. »

Photo : D.R.

Dans le même numéro (janvier 2020)

  • Le dossier du mois

    Des citoyens en action pour le climat

    Lucie Créchet
    À la demande d’Emmanuel Macron, 150 citoyens ont été tirés au sort pour réfléchir ensemble à des solutions contre le réchauffement climatique. Marie-Hélène, une habitante du 18e, est l’une d’entre eux.
  • La vie du 18e

    Une promenade urbaine pas si tranquille

    Sylvie Chatelin
    Le réaménagement du vaste espace qui court sous le métro aérien entre les stations Barbès-Rochechouart et Stalingrad est très attendu. Le projet avance malgré une concertation difficile et la multiplicité des transformations imaginées sur cette zone.
  • La vie du 18e

    Des canards au jardin d’Éole

    Jacky Libaud
    À l’origine plutôt farouche et campagnard, le colvert s’est acclimaté. Dans notre arrondissement, peu riche en plans d'eau, on l’observe dans le jardin d’Éole où il niche depuis quelques années.
  • La Chapelle

    Un salon de coiffure repris par ses salariées

    Annie Katz
    Accompagnée tout au long de sa (re)création, une petite entreprise ancrée dans un quartier en mouvement poursuit son activité, emmenée par une équipe de choc et soutenue par sa fidèle clientèle.
  • Montmartre

    Allo, Montmartre 20 87 ?

    Dominique Boutel
    C’est l’histoire d’un taxiphone, ou plutôt l’histoire d’une époque où téléphones portables ou fixes n’existaient pas encore. Cela se passe au café Au rêve, rue Caulaincourt et cela raconte l’histoire d’un quartier et de ses habitants.
  • Histoire

    Les bons comptes du Panier fleuri

    Janine Mossuz-Lavau
    Quand notre arrondissement pouvait compter (sur ?) ses maisons de tolérance, en règle, archives à l’appui.
  • Les Gens

    Frédéric Bardeau : de la communication au numérique inclusif

    Sophie Roux
    Il habite le 18e depuis vingt ans : Château rouge, Lamarck-Caulaincourt, rue Nicolet, rue d’Oran et maintenant rue Simplon. Le fondateur de l’école du numérique de Montreuil, Simplon.co, est un entrepreneur idéaliste et social !