Très visibles chez les opposants au mariage pour tous, les chrétiens ne sont pourtant pas unanimes sur la question. Mais les voix discordantes peinent à se faire entendre.
Le 18 janvier dernier, une table ronde sur le « mariage pour tous » s’est tenue à l’appel des curés des huit paroisses du 18e, à Notre-Dame-de-Clignancourt. À cette occasion, l’église catholique a fait intervenir les historiens Michel Rouche et Paul Airiau, Philippe Ariño, essayiste catholique et homosexuel, Michel Aupetit, vicaire général du diocèse et médecin ainsi que le père Philippe Marsset. Tous opposés au mariage des personnes de même sexe.
La salle paroissiale accueillait ce soir-là plus d’une soixantaine de personnes. Après les interventions des invités, les questions posées par le public devaient être rédigées sur des bouts de papier, sélectionnées puis lues par le père Marsset.
Si les organisateurs ont veillé à éviter les débordements verbaux, l’assistance a toutefois pu entendre quelques perles. Notamment, celle de l’historien Michel Rouche qui associe le mariage homosexuel à la négation de l’altérité. Pour défendre sa thèse, ce dernier a souligné que le Troisième Reich autorisait le mariage de beaux-parents avec leur beau-fils ou belle-fille. Et de conclure « Si le Reich avait perduré, on peut être sûr qu’il y aurait eu des mariages du même au même ». L’historien a sans doute oublié le sort réservé aux triangles roses, signe stigmatisant les homosexuels dans les camps de concentration…
Refus du débat
Mais l’unanimité de l’Église sur la question du « mariage pour tous » n’est peut-être qu’une façade. En août 2012, un sondage de l’IFOP montrait que 45 % des catholiques pratiquants étaient favorables au mariage des homosexuels, ainsi que 61 % parmi les catholiques non pratiquants.
Mélanie est une fidèle de la paroisse de Notre-Dame-de-Clignancourt. Elle fait partie des nombreux croyants qui regrettent l’absence de dialogue au sein de l’Église. La jeune femme accueille avec amertume les réticences des prêtres, « l’Église c’est une grand- mère, et on peut lui pardonner de ne pas tout comprendre ou de craindre le changement. Mais ce refus du débat et cette volonté d’étouffer les voix discordantes me déçoivent. N’est-ce pas le rôle des prêtres d’accompagner les gens dans le changement ? » Mélanie a assisté à la messe précédant la « manif pour tous » à Notre-Dame-de-Clignancourt, et d’après elle, « à la fin du prêche, on a clairement appelé à manifester le 13 janvier contre le projet de loi, ils sont en train d’organiser des peurs ». La jeune femme se rend régulièrement à la Maison verte, maison de quartier et paroisse protestante de la rue Marcadet, pour partager avec d’autres une vision plus progressiste de la société.
Discours négatifs et chrétiens inclusifs
Dans le 18e, des chrétiens militent pour que le mariage des homosexuels soit reconnu. Ainsi, le pasteur de la Maison verte, Stéphane Lavignotte, en accord avec son Église, la Mission populaire évangélique de France, pratique déjà des bénédictions à l’occasion des Pacs. II défend l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. « Ma lecture est d’abord biblique, explique-t-il. Dans la Bible, la diversité des formes par lesquels les personnages forment des couples et des familles est frappante ». Pour lui, il n’y a pas un seul modèle familial.
Stéphane Lavignotte déplore que les manifestations contre le mariage pour tous rencontrent un tel succès, en particulier parmi les chrétiens. Il se dit déçu de ne pas avoir été invité à la table ronde organisée par les paroisses du 18e, et n’a pu que constater le refus du débat. « Le problème c’est que l’Eglise parle sur, alors qu’il faut être avec ».
Marina fréquente aussi la Maison verte. Elle y retrouve l’esprit qu’elle défend au sein de son association. Elle préside le Carrefour des chrétiens inclusifs, promouvant une Église ouverte à tous, quelle que soit son orientation sexuelle. Pour Marina, comme pour sa compagne, la foi tient une grande place dans sa vie. Pour elle « l’Église est le centre de sa vie, pour moi c’est un pilier ». Il y a quelques années, Marina a fait partie de ceux qui ont appelé les grandes religions à soutenir le projet de pénalisation de l’homophobie. Seuls le grand rabbin et les bouddhistes ont répondu. Elle estime que le refus des représentants catholiques et protestants de s’engager contre l’homophobie est le signe d’un malaise plus profond que la question du mariage ou de l’adoption.
La première manifestation pro- mariage pour tous avait réuni des associations LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) chrétiennes, juives et musulmanes. Marina espère que des organisations chrétiennes viendront se joindre à elles.
Photo : Christian Adnin
Article initialement paru en février 2013