Journal d’informations locales

Le 18e du mois

Abonnement

FacebookTwitter

octobre 2022 / Grandes Carrières

Bureaux de Poste : on ferme !

par Dominique Andreani

Grosse surprise au retour des vacances pour les habitants des Grandes Carrières : le bureau de poste Vauvenargues va fermer. L’information a fuité et s’est vite répandue, grâce à une pétition citoyenne.

Les habitants des Grandes Carrières ont compris brutalement que la disparition des services publics n’épargnait pas les centres urbains. Outre l’information concernant la fermeture de Vauvenargues, d’autres bureaux à Paris sont dans le collimateur (Lourmel, Médicis…). Mais si 40 bureaux ont fermé ces dernières années dans la capitale, tous les arrondissements ne sont pas touchés de la même façon. Le centre tourne actuellement autour d’un bureau de poste pour 6 000 habitants, quand le nord-est est à un pour plus de 16 000. Pour le 18e la saignée s’est accentuée depuis 2014 avec la fermeture de Tristan Tzara, Lamarck et Ney « qui était un vrai bureau de quartier, mais resté vide pendant un an », déclare Olivier Gault, représentant CGT des postaux sur Paris. Et cela pourrait continuer puisque Duhesme est aussi menacé.

L’argumentaire pour justifier la fermeture est convenu : « Nouveaux mode de vie et de consommation, baisse du volume du courrier, digitalisation des opérations postales et bancaires. » En 2020 pourtant, dans ce quartier très dense, il y avait encore « 600 visites par jour » (sans les opérations réalisées aux distributeurs), malgré la diminution constante du nombre de postiers. Au guichet bancaire, en lieu et place des deux personnes (à plein temps) il n’y a plus qu’un salarié (et pas toute la journée), et les conseillers financiers sont passés de quatre à …un. Pour les syndicats (notamment CGT et Sud) La Poste emploie toujours la même stratégie : réduire les horaires, les services, contraindre les usagers à utiliser internet (par exemple en remplaçant le timbre rouge par un affranchissement en ligne ou en…supprimant des chaises dans l’espace d’attente il y a quelques années), ne pas remplacer les absents, les départs ou recruter des intérimaires peu formés.

Des commerces pour prendre le relais

Le seul argument audible, en terme de rentabilité, serait la baisse de volume du courrier, mais elle est largement compensée par l’augmentation des colis, liée à celle de l’e-commerce. Pour La Poste, les relais et autres points de contacts sont le remède « miracle ». Mais, installés dans des commerces tels que des supérettes, ils ne fournissent que peu de services et donnent un surcroît de travail aux employés. Elle démarche actuellement des commerçants autour de Vauvenargues.

Pour Sud, La Poste, devenue société anonyme en 2010, est devenue une « machine à cash ». En 2014, ses dirigeants avaient déclaré vouloir doubler les bénéfices d’ici 2020 et atteindre le milliard d’euros. Mais pour tous, riverains, syndicats (CGT, Sud), partis (PCF, EELV, Indépendants et progressistes...) La Poste a des obligations de service public. Elle doit assurer l’égalité de traitement, et rendre des services au plus près des habitants et entreprises.

L’émoi et une certaine colère de la population, matérialisés par les 3 000 pétitionnaires (au 18 septembre) semblent se justifier largement. Ils ont d’ailleurs mobilisé des journalistes du Parisien, de France 3 régions, RMC et BFMTV ! Cette fermeture aura des répercussions sur le quotidien des habitants, surtout les plus fragiles. « C’est un des quartiers où la population est la plus âgée, la plus handicapée. Le bureau le plus proche sera à deux stations de métro ou de bus. Impossible pour certains d’y aller seuls », insiste Mme Loric, une des initiatrices de la pétition.

De plus, selon le rapport du Défenseur des droits, un quart de la population n’a pas accès au numérique en France. La fermeture impactera donc aussi les précaires (en particulier les personnes immigrées, la Banque Postale étant la seule qui ouvre des comptes aux étrangers pauvres). Mais bien sûr la direction préfère « les clients à haut potentiel » plutôt que les petits épargnants.

Silence dans les rangs

Gênée aux entournures, la direction du groupe communique peu. C’est pendant les vacances que la Mairie et les employés du bureau ont eu l’information. Ces derniers ont interdiction de parler à la presse. Les syndicats ne devraient être officiellement avertis que le 30 septembre pour une fermeture envisagée le 30 novembre. Les six postiers restants ne savent toujours pas où ils vont « atterrir ».

A la Mairie, Eric Lejoindre se dit « triste » et « déçu ». Il n’a pas beaucoup communiqué sur le sujet. Sa directrice adjointe de cabinet, Aline Weber dit « avoir été mise devant le fait accompli ». Pour elle, l’argument de la piétonnisation de la rue adjacente n’est pas recevable, puisqu’en matière d’urbanisme, « il y a toujours moyen de faire autrement », par exemple des plots escamotables permettant le passage des véhicules de La Poste. Et « entre une piétonnisation et un service public, la Mairie choisit le service public ».

Barbara Gomes (élue du 18e et conseillère de Paris, PCF), présidente de la commission départementale de présence postale (CDPTT) explique que « La Poste ne l’informe de rien » ! C’est le président de son groupe à la mairie qui l’a alertée d’une réunion de concertation en préparation avec l’entreprise. Ce qu’elle apprend provient de sources indirectes. En particulier il semble que La Poste « adopte une stratégie de reflux apparent sur le projet » et s’orienterait vers une suppression du seul service bancaire. Alors que « les moins fortunés ont besoin d’un interlocuteur pour les aider à gérer leur compte ».

« La remarquable mobilisation des habitants prouve qu’il y a un besoin de ce service public », ajoute Christian Honoré, conseiller municipal du 18e (groupe Indépendants et progressistes). Et pour l’heure cette mobilisation s’étoffe. Des initiatives diverses se mettent en place. Le conseil d’arrondissement du 3 octobre ainsi que le conseil de Paris la semaine suivante devraient mettre le sujet sur la table. A suivre donc... •

Photo : Jean-Claude N’Diay

Dans le même numéro (octobre 2022)

  • Le dossier du mois

    Jardin d’Éole, à la rencontre du monde

    Orlane Paget, Sandra Mignot
    Les Jardins d’Eole, dès leur ouverture, ont attiré de multiples activités de loisir. Si de nombreuses animations y sont organisées par la Mairie et les associations, différentes communautés ont su s’approprier les lieux et les équipements mis à disposition. Une mixité à l’image du nord-est parisien.
  • La vie du 18e

    Territoire zéro chômeur, ça démarre !

    Noël Bouttier
    Inspiré d’une initiative d’ATD Quart monde – affecter l’ensemble des coûts du chômage au financement de l’emploi –, le dossier La Chapelle Nord a été accepté. Reste à lancer Activ’18, le nom donné à l’entreprise à but d’emploi. Des chômeurs sont partants.
  • La vie du 18e

    Cantines : bientôt des repas qui donnent envie

    Florianne Finet
    D’ici 2024, date de la fin du contrat avec le prestataire Sogeres, les repas proposés aux écoliers du 18e seront fabriqués dans l’arrondissement et servis le même jour.
  • Saint-Ouen - Clignancourt

    DÉ-LIVREZ LA RUE JEAN DOLLFUS ! [Article complet]

    Sandra Mignot
    Des riverains se mobilisent face à un projet immobilier incluant l’installation d’une plateforme logistique dans leur rue.
  • Grandes Carrières

    Colère chez Monoprix

    Sandra Mignot
    Les salariés sur le point de craquer.
  • Histoire

    LA VIGNE, TOUTE UNE HISTOIRE...

    Danielle Fournier, Jacky Libaud, Noël Monier
    Initiée à l’époque romaine, la culture du vin prend des allures d’exploitation agricole sous le long règne des abbesses. Dès le XVIe siècle et surtout au XVIIIe, les taxes qui frappent les marchandises font de la Butte un refuge pour les Parisiens et le bonheur des cabaretiers. A l’entre-deux-guerres, des artistes sauvent un dernier pan de vigne.
  • Les Gens

    Un baroudeur posé à Montmartre

    Erwan Jourand
    Depuis quarante ans, amoureux de Montmartre et habitant de Pigalle, Guy Sitbon a été de toutes les aventures de presse. D'abord correcteur, il sera correspondant, directeur commercial et surtout reporter, sans oublier un détour par la presse érotique.