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septembre 2023 / La vie du 18e

Bichat-Beaujon, la justice contre la fusion

par Dominique Gaucher

Une décision de justice annule l’arrêté déclarant d’utilité publique la réalisation du futur campus hospitalo-universitaire réunissant les structures des hôpitaux de Bichat-Claude Bernard et Beaujon à Saint-Ouen. Principale motivation : la diminution du nombre de lits et places d’accueil.

Coup de théâtre : le tribunal administratif de Montreuil a annulé le 10 juillet l’arrêté déclarant d’utilité publique la réalisation du campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord (CHUGPN). Ce projet phare de l’institution parisienne, représente la plus grosse opération de l’AP-HP depuis l’ouverture de l’hôpital européen Georges-Pompidou, il y a vingt ans. Il consiste à regrouper dans un ensemble architectural unique, à Saint-Ouen, les hôpitaux Bichat-Claude Bernard (Paris 18e) et Beaujon (Clichy) et à créer une structure réunissant l’enseignement et la recherche médicale et bucco-dentaire.

Si personne ne conteste le volet enseignement/recherche du projet, il n’en va pas de même pour le volet hospitalier. L’AP-HP prévoit 941 lits d’hospitalisation pour le nouvel hôpital. La capacité actuelle d’accueil des deux établissements est de 1 131 places, offre déjà très insuffisante par rapport aux besoins. C’est d’ailleurs sur ce point qu’avaient appuyé les requérants* évoquant des « erreurs de fait et d’appréciation, liées à la minoration du nombre de lits existants dans les hôpitaux Bichat et Beaujon, à la majoration des lits proposés dans le CHUGPN, à la sous-estimation des hypothèses démographiques ainsi que des besoins futurs et à la non-adéquation entre les besoins futurs et le projet ».

Une diminution de l’offre de soins

Le juge a considéré que « l’opération, dont la configuration ne permet pas des évolutions futures, conduisait à une diminution non compensée de l’offre de soins dans un territoire souffrant déjà d’importantes inégalités de santé et d’un accès à la médecine libérale inférieur à la moyenne nationale. »

L’AP-HP fait, elle, valoir qu’actuellement, 10 à 15 % des patients hospitalisés pourraient recevoir des soins d’une qualité identique en étant hébergés dans le cadre de lits hôteliers. Quant à la capacité d’accueil en hospitalisation de jour, elle serait augmentée de 25 % grâce à un taux de rotation plus élevé des patients, et malgré un nombre de places passant de 207 à 173 !

Le juge administratif a remis en cause à la fois ces chiffres et l’argumentation de l’AP-HP. Il a souligné l’absence d’éléments garantissant une offre de soins d’un niveau équivalent aux patients des futurs 150 lits hoteliers et l’absence de modalité prévue pour assurer leur prise en charge au sein de l’hôpital. Il a précisé qu’aucun élément du dossier ne permettait de rendre crédible l’accélération du taux de rotation des patients.

Par ailleurs, la nouvelle maternité est dimensionnée pour 2 000 naissances. Or 3 238 accouchements sont réalisés en moyenne dans les deux hôpitaux de Bichat et Beaujon entre 2016 et 2022 et leur nombre a augmenté en moyenne de 2 % entre 2016 et 2022. L’AP-HP prévoit des transferts vers six autres maternités du territoire, sans définir les modalités d’organisation de la coopération entre les structures.

L’AP-HP a annoncé faire appel de la décision du tribunal administratif de Montreuil. Cet appel, indique-t-elle, est accompagné d’une demande de sursis à exécution. Les travaux de démolition sur le chantier de l’hôpital (une ancienne usine), non impactés par la décision, se poursuivront. L’AP-HP poursuit, avec la Mairie de Saint-Ouen, l’étude engagée d’une « augmentation du dimensionnement d’un secteur hospitalier complémentaire de soins médicaux et de réadaptation ».

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