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juin 2024 / Ca pétille à la Goutte d’Or

Belles plumes haïtiennes au cœur du 18e

par Sandra Mignot

Depuis trois ans, le festival Haïti-Monde anime la Goutte d’Or de belles lettres et d’un zeste de Caraïbe. Une belle réussite initiée par un habitant du quartier, Sadrac Charles, qui parvient à réunir auteurs reconnus et jeunes talents dans un dialogue avec la littérature du monde entier.

La salle du 360 est survoltée lorsque le palmarès des cinq récits primés est annoncé. Les élèves retiennent leur souffle avec espoir à l’annonce des écoles victorieuses. Puis des cris suraigüs envahissent les gradins quand le nom des lauréats est finalement prononcé. Ces enfants de CM1/CM2 de trois écoles de l’arrondissement (cette année Houdon, Mont-Cenis et Forest) ont participé au concours d’écriture La plume écolière* organisé comme chaque année dans le cadre du festival littéraire Haïti-Monde. Un concours qui tient au cœur du fondateur du festival, Sadrac Charles : « C’est pour moi le volet le plus important de l’évènement car c’est fondamental de transmettre aux jeunes pour préparer l’avenir. »

La Goutte d’Or accueillait cette année la troisième édition de Haïti monde. « Je voulais recréer un lieu où l’on pourrait échanger, dialoguer comme je le faisais en Haïti tout en invitant d’autres cultures », explique Sadrac Charles. L’homme est arrivé à Paris en 2012, pour poursuivre des études. « De nombreux allers-retours ont suivi pendant lesquels j’ai participé à la création d’évènements culturels au pays et bossé sur un projet de bibliothèques dans les écoles primaires. Mais la vie est tellement menacée là-bas que j’ai fini par m’installer ici plus durablement. » Chroniqueur littéraire et écrivain lui-même, il a en tête tout le matériau nécessaire et le carnet d’adresses pour mettre sur pied des rencontres, lectures, spectacles, concerts.

De prestigieux invités

Et quel meilleur endroit pour un tel festival que son quartier d’adoption ? « La Goutte d’Or a été à l’avant garde de l’histoire migratoire du monde, une histoire dont Haïti fait partie intégrante, résume Sadrac Charles. Le pays y a une présence discrète mais bien réelle. Et puis avec L’Assommoir je sens aussi ici la trace de Zola, qui, parmi les écrivains est peut-être celui qui est allé le plus loin dans la description des conditions humaines et de comment les gens vivent. »

Parmi les prestigieux invités du festival, on compte James Noël, Lyonel Trouillot, Makenzy Orcel (tous trois fidèles depuis la première édition), Camille Laurens, Rodney Saint-Eloi, Louis-Philippe Dalembert. Et enfin cette année Jean d’Amérique et Gary Victor, invité d’honneur de cette édition centrée sur le thème de la guerre. Un invité d’honneur malheureusement retenu au pays du fait de la situation d’insécurité qui y règne et de l’interruption des liaisons aériennes. Gary Victor était cependant présent grâce à la visioconférence depuis ses mornes du Sud-Est haïtien pour une lecture et sa participation à la table ronde d’ouverture. Et bien sûr des auteurs qui parlent d’ailleurs, du Rwanda, du Congo, du Burkina Faso, de Russie, de Palestine, d’Israël…

Et au-delà de la littérature

« Mais le festival c’est 85 % de littérature, et le reste c’est de la musique — on ne peut pas parler de culture haïtienne sans convier le konpa —, des expositions, du cinéma. » Durant quatre jours donc les évènements s’enchaînent : tables rondes, concert, lectures, rencontres, dédicaces, lancement d’ouvrages chez les partenaires du festival que sont le 360, les librairies La Régulière et le Pied à terre, l’Echomusée ou le Mah boules. Une initiation à la cuisine haïtienne était même proposée par Quartier libre ainsi qu’une exposition photo à la bibliothèque de la Goutte d’Or. Chaque année, c’est néanmoins un petit exploit que de parvenir à mettre l’évènement sur pied. Carnet d’adresses et partenaires locaux sont indispensables mais ne suffisent pas. « Plus on multiplie les lieux plus cela demande d’énergie », résume Sadrac Charles.

Une petite équipe de trois personnes s’active toute l’année pour la réussite du festival, avec toujours une incertitude sur les financements qui dépendent de la Région, de la fondation Jan Michalski, de la SCAM et, depuis cette année, de la Mairie du 18e. Pourtant l’édition 2025 est déjà enclenchée. On devrait y parler des luttes féministes et de la question de la dette d’indépendance payée par Haïti à la France. Alors rendez-vous au printemps prochain.

Photo : Thierry Maubert

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n° 331

novembre 2024