Les experts mandatés par la Ville de Paris soulignent notamment le caractère démesuré du projet Stationord et le manque de connexion avec les quartiers environnants.
Dominique Gaucher
L’enquête publique préalable à la délivrance du permis de construire pour la transformation de la gare du Nord s’est achevée le 8 janvier 2020. Le 19 décembre 2019, les experts, urbanistes et ferroviaires, missionnés par la Ville de Paris ont proposé des pistes d’amélioration au projet gare du Nord 2024. Rappelons que le projet présenté en juillet 2019 avait d’abord été salué avant de soulever les critiques de nombreux architectes et urbanistes en septembre. La SNCF et la Ville de Paris s’étaient alors accordées en faveur d’une révision du projet.
Le rapport le plus global, confié à quatre urbanistes reconnus, « indépendants et bénévoles », porte sur le projet confié à Stationord, société d’économie mixte associant la SNCF et Ceetrus, ex Immochan, chargée de sa réalisation. Il déplore « l’étroitesse du périmètre du permis de construire et le flou quant aux conditions de son insertion urbaine », source de l’une des principales faiblesses du projet. Il remet aussi en cause l’hypothèse, non démontrée, d’un accroissement très important du trafic des grandes lignes, base du programme actuel. L’augmentation du trafic devrait toucher prioritairement le RER et le métro.
Dissocier les travaux
Les experts proposent de ne plus considérer 2024, année des Jeux olympiques, comme une date butoir pour l’achèvement des travaux. Ils souhaitent dissocier les aménagements indispensables à cet événement de ceux concernant pour l’essentiel le nouveau pôle d’activité surmontant la gare souterraine soumis à l’enquête publique. Cet échelonnement permettrait d’approfondir la concertation entre les différents partenaires – SNCF, Stationord, Ile-de-France Mobilité, Ville de Paris, Région – sur le pôle d’activité particulièrement contesté dans son format actuel.
Un pôle d’activité trop dense
Gare du Nord 2024 ambitionne « une gare plus ouverte sur son quartier. Une gare plus vivante grâce à la création d’un nouveau pôle de vie inédit à Paris ». La superficie totale atteindrait 136 626 m2 au lieu des 75 111 actuels. Près des deux tiers de ce nouvel espace seraient occupés par des commerces (plus de 31 000 m2) et des bureaux (presque 13 000 m2). Les équipements d’intérêt collectif, culturels, sportifs et autres, se partageraient la surface restante.
Les auteurs soulignent le caractère surdimensionné de cette programmation « par rapport aux capacités d’absorption de la gare et de l’environnement urbain de proximité » et proposent « de réduire fortement le programme commercial, de supprimer la salle de spectacle, de repenser les équipements sportifs et le « parc »… de traiter autrement que de manière ultra marginale la question des personnes en détresse ».
Le projet actuel prévoit une délimitation stricte, de type aéroportuaire, entre les départs et les arrivées. Or cette séparation allongerait l’accès aux trains et entrainerait de nombreux dysfonctionnements, indiquent les experts. De plus, elle se traduirait par une grave atteinte patrimoniale et esthétique car les passerelles permettant ces passages seraient installées à l’intérieur de la nef et à l’extérieur. Imaginez l’effet !
Il s’agit d’avoir notamment une vision cohérente de l’ouverture sur la ville. Le projet actuel ne prévoit aucun nouvel accès conséquent vers le 18e. Il en est de même pour l’articulation avec la gare de l’Est et la future transformation de Lariboisière. Un véritable plan de circulation pour tous les véhicules doit aussi être élaboré.
Les pistes d’amélioration semblent fort intéressantes. Elles rejoignent d’ailleurs sur nombre de points les observations et propositions faites tant par les associations d’habitants que de voyageurs. Reste à connaitre le sort qui leur sera réservé. Il revient désormais au préfet de région d’accorder (ou pas) le permis de construire.
ohoto Mouni’Is