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décembre 2019 / La vie du 18e

VIH et sida, toujours d’actualité

par Sylvie Chatelin

Depuis 1988 et son institution par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le 1er décembre est la Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida. L’occasion de rappeler que l’épidémie n’est toujours pas maîtrisée et le virus toujours actif.

Paris, à travers son programme Vers Paris sans Sida, s’est fixé comme objectif « zéro nouvelle contamination par le VIH à partir de 2030 ». Cela semble bien parti compte tenu des résultats annoncés en septembre dernier : entre 2015 et 2018, le nombre de nouveaux diagnostics dans la capitale a diminué de 16 % (essentiellement parmi les hommes gay et bisexuels). Le déploiement du traitement préventif (PrEP) et celui de l’offre de dépistage semblent les éléments majeurs qui ont permis cette avancée. En effet, plus le nombre de personnes ignorant leur contamination est réduit, plus la proportion de séropositifs sous traitement est élevée et plus le risque de nouvelles contaminations diminue. Dans notre arrondissement plusieurs associations œuvrent au quotidien, et notamment auprès des personnes les plus précaires, afin de contribuer à atteindre l’objectif.

Acceptess-T

Chez Acceptess-T (Actions concrètes conciliant éducation, prévention, travail, équité, santé et sport pour les transgenres), « espace de santé communautaire non médicalisé », ce sont plus de 2 000 femmes transgenres (chiffre en constante augmentation) qui sont accueillies chaque année boulevard Barbès par une équipe multiculturelle de femmes transgenres. Personnalité engagée, Giovanna, la directrice, milite pour « rapprocher [ces] personnes qui cumulent les facteurs de vulnérabilité par rapport au soin et au droit ». Elle rappelle que la stigmatisation qui touche la population trans constitue en effet un obstacle majeur à l’amélioration de leur qualité de vie et de leur prise en charge pour la prévention et le traitement du VIH. Ces personnes sont en effet particulièrement touchées par l’épidémie avec une prévalence supérieure de 18 % par rapport à la population générale.

Giovanna plaide pour une « collaboration institutionnelle » afin de lutter contre la transphobie et souligne la concertation et la collaboration mise en place avec l’hôpital Bichat où les femmes transgenres sont bien accueillies, écoutées et bien suivies dans une « approche sans jugement, non discriminante ». À Bichat, « tout est gratuit, au même endroit et on ne leur demande rien, ce qui facilite un circuit fluide », précise Jade Ghosn médecin de la COREVIH de Bichat (lire ci-contre). Des médiatrices de santé parlant espagnol et portugais sont également présentes. Et à partir de décembre, une consultation de prévention « hors les murs » sera mise en place dans les locaux de l’association chaque lundi « pour capter les personnes dans un lieu où elles se sentent à l’aise et en sécurité et, en cas de test positif, leur prendre tout de suite un rendez-vous avec le médecin ». Important pour une population très mobile et donc difficile à inscrire dans un parcours de soin. « Il y aura en plus un médecin de Bichat qui pourra prescrire la PrEP directement sur place et faire une visite médicale complète », explique Giovanna. « L’hôpital s’adapte, le renversement hiérarchique réconcilie les personnes transgenres avec le système de santé et l’établissement devient un outil communautaire ».

URACA-Basiliade

Parmi les personnes hétérosexuelles ayant découvert leur séropositivité en 2017, 75 % sont des personnes nées à l’étranger, principalement en Afrique subsaharienne*. C’est à cette population spécifique que s’adresse URACA-Basiliade (Unité de réflexion et d’action des communautés afri­caines) basée à la Goutte d’Or. Initialement créée en 1985 pour lutter contre la toxicomanie dans les communautés africaines, son projet a évolué en 1987 vers la prévention du VIH/sida auprès des mêmes populations. Elle travaille à rendre possible les liens entre la médecine traditionnelle africaine et ses tradipraticiens et la médecine occidentale malgré les approches différentes. Cela passe par des ateliers collectifs, un accompagnement individuel de prévention et des séances d’information et de dépistage en collaboration avec les COREVIH, Afrique Avenir et les CeGIDD.

Afrique Avenir

Même combat pour Afrique Avenir qui effectue des actions de dépistage depuis 2005 auprès de la communauté afro-descendante. Iris, jointe au téléphone, nous précise leurs actions dans le 18e arrondissement. Ils circulent dans toute l’IDF et vous avez peut-être déjà vu leur unité mobile à la sortie des stations Marcadet et Château-Rouge les mardi et mercredi après-midi. Un barnum équipé d’une table avec flyers, préservatifs et gel pour accueillir les passants et leur proposer de se faire tester. Pour ceux qui acceptent, un dépistage par test rapide (TROD) est pratiqué dans le camion autour d’un café ou d’un thé. Il s’agit d’un petit prélèvement sanguin pratiqué sur la pulpe du doigt qui permet de connaître le statut sérologique en 30 minutes. S’il se révèle positif, on propose à la personne de l’accompagner à l’hôpital le plus proche dans la foulée ou dès le lendemain matin pour une prise de sang qui confirmera le résultat. Le partenariat d’Afrique Avenir avec plusieurs hôpitaux assure une prise en charge rapide pour les personnes accompagnées par ses bénévoles. Le mois dernier, trois personnes ont ainsi été testées positives à Château-Rouge.

Espoir Goutte d’Or

L’association EGO-Aurore agit auprès d’une autre catégorie de personnes précaires, les usagers de drogue. Elle contribue dans le cadre de son programme de réduction des risques et par la distribution de matériel stérile à limiter les risques de contamination via l’échange de seringues. Elle agit également au niveau du dépistage et de la prévention.

Vers une reprise annoncée de l’épidémie ?

Le travail de dépistage conjoint des associations de terrain et des institutions médicales est primordial pour atteindre le « zéro nouvelle contamination » visé par Paris. Mais si la ville se donne les moyens d’atteindre cet objectif, la politique gouvernementale ne va clairement pas dans ce sens. La décision prise récemment de renforcer le contrôle sur l’aide médicale d’État (AME) pour les étrangers sans titre de séjour et d’instaurer une période de trois mois de carence pour l’accès des réfugiés à la protection universelle maladie (PUMa) nie le travail quotidien des associations. Pour Giovanna d’Acceptess-T, « le gouvernement crache au visage des associations engagées dans la lutte contre le sida. Les gens vont avoir peur, vont rester dans l’illégalité et ne pas se soigner et on ne peut pas se permettre de leur faire peur ». Au risque de voir l’épidémie regagner du terrain ?

Photo : Jean Claude N’Diaye

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