La nouvelle s’est vite propagée et inquiète les habitants : le cabinet médical du 7 rue Saint-Luc risque de fermer prochainement.
En effet, le docteur Anne Gesquière prend sa retraite en juillet et à ce jour, elle n’a pas de remplaçant permanent. Conséquence directe : son associé, le docteur Badis Hadrouf, ne pourra accueillir une patientèle supplémentaire ni assumer seul les charges du cabinet.
Certes, le problème est national et surtout régional, puisque l’Ile-de-France était en 2022, le « premier désert médical de France métropolitaine » selon l’ARS : 62,4 % de ces territoires ont été classés en zones d’intervention prioritaire (ZIP), notamment les 18e et 19e arrondissements. On comptait 121 médecins généralistes dans le 18e pour une population d’un peu plus de 191 000 habitants (contre 239 dans le 16e pour 171 000 personnes environ). En France, la densité moyenne des médecins généralistes est de 149 pour 100 000 habitants, dont 57 % de praticiens libéraux.
Intervenir en amont
Le classement en ZIP permet à de jeunes médecins qui souhaitent s’installer, de bénéficier d’un soutien de l’assurance maladie (50 000 €). Des contrats peuvent également financer les études des étudiants ou internes, en contrepartie d’une installation dans ces périmètres. C’est actuellement une des actions initiées par Ayodele Ikuesan, ajointe chargée de la santé à la Mairie du 18e en partenariat avec la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de l’arrondissement. « Il faut traiter ce problème en amont de la fin des études pour favoriser l’installation dans nos quartiers », affirme l’élue. La structure d’âge des médecins généralistes en Ile-de-France est loin de rassurer : les praticiens de 60 ans et plus sont 41,5 %, soit un départ à court terme (plus de 65 ans) de 23 % d’entre eux.
Compétences particulières
Cependant, ce cabinet de la rue Saint-Luc fait partie de l’histoire du quartier, il a été au cœur de toutes ses transformations et évolutions, plusieurs générations d’une même famille y ont été suivies et soignées. Il suffit de voir les cartes postales de tous les pays sur les murs pour comprendre l’attachement des patients à leurs médecins ! C’est le cas de l’une d’eux Séverine, qui s’inquiète : « Ma famille de cinq personnes dont trois enfants, n’a plus de médecin traitant. Comme beaucoup d’autres dans le quartier, avec le risque d’une certaine errance médicale. » Elle regrette la perte des compétences acquises des deux médecins concernés sur des pathologies spécifiques de patients originaires d’Afrique, sur l’adaptation du traitement des diabétiques en période de ramadan, etc. Faute de médecin traitant, certains habitants, souvent les plus précaires, vont se tourner vers l’hôpital déjà surchargé, lorsque leurs problèmes à l’origine bénins, se seront lourdement aggravés.
Pendant quelque temps, deux médecins remplaçants ont testé le travail au sein du cabinet, en vue d’une éventuelle reprise. Ils ont finalement préféré intégrer une structure collective qui prend en charge les obligations administratives et comptables, comme beaucoup d’autres de leurs confrères actuellement. Cependant, aussi bien en termes d’accès aux soins que de santé publique, ces deux médecins sont indispensables à la Goutte d’Or.
Contactés par nos soins, ces derniers ne souhaitent pas attirer l’attention sur leur cabinet, ni s’épancher sur la situation de celui-ci. Pour eux, comme pour d’autres confrères, ce problème est national et ne touche pas uniquement le quartier de la Goutte d’Or ou le 18e arrondissement. Ce qui ne les empêche pas de continuer à chercher activement un remplaçant.